Plateau de l’émission « Quelle époque ! » © France Télévisions
Le samedi 15 octobre 2022, le talk-show Quelle époque ! diffusé sur la chaîne de télévision publique France 2 organisait un débat sur la transidentité intitulé « Le genre idéal ? »1. Il opposait Marie Cau, première maire transgenre élue de France à Dora Moutot, journaliste critique du genre. Un débat houleux d’une vingtaine de minutes qui, de l’aveu même de la présentatrice de l’émission Léa Salamé, s’est avéré difficile et peu constructif. Cependant, une telle issue était prévisible par la manière dont le débat fut orchestré… En présentant la transidentité comme un sujet de débat, le service public a-t-il failli à son devoir éthique ?
Quelle époque ! est une émission hebdomadaire diffusée en deuxième partie de soirée se décrivant comme « un talk-show spectaculaire, drôle et festif, une émission de société et de divertissement, qui raconte notre époque et interroge la société »2. Autour de grands thèmes de société qui animent l’époque, la présentatrice Léa Salamé, accompagnée de son invité permanent Christophe Dechavanne, y aborde l’actualité culturelle, sociétale, politique ou encore médiatique. Conçu comme une arène, le plateau fait la part belle au débat pour voir s’affronter les idées entre artistes, polémistes, intellectuels, politiques, sportifs, nouveaux talents et influenceurs… L’émission est enregistrée le vendredi soir, pour une diffusion à l’antenne le samedi soir. En préambule du débat, Léa Salamé revient durant sept minutes sur le parcours de Marie Cau, à l’occasion de la parution de son livre autobiographique Madame le Maire, chez Fayard. Si ce témoignage a l’utilité de sensibiliser le public aux difficultés que la femme politique a rencontrées au cours de sa vie, il admet aussi indubitablement un déséquilibre du temps de parole en défaveur de Dora Moutot.
Une intervenante questionnable
L’objet de discorde à l’origine du débat se trouve être une affiche de la campagne de communication d’une antenne de l’association le Planning familial, médiatisée en août dernier. Elle représente un homme transgenre enceint, accompagnée du message : « Au Planning on sait que des hommes aussi peuvent être enceints »3. Pour débattre de la transidentité, Dora Moutot est conviée à l’émission. La journaliste, connue pour son militantisme contre les personnes transgenres et qui défend une approche biologique de la définition de femme, avait en effet co-écrit dans la foulée une tribune dans l’hebdomadaire Marianne à l’attention de la Première ministre Élisabeth Borne, afin de dénoncer « la dérive idéologique » de l’association qui ferait la promotion de l’identité de genre4. Cependant, les positions de Dora Moutot, partagées abondamment sur ses réseaux sociaux notamment, sont considérées comme ouvertement transphobes. L’intérêt d’inviter une telle personnalité pour débattre, sur le service public de surcroît, face à une personne transgenre interroge…
Un espace public dégradé
Ce qui ressort dès les premières minutes de débat, c’est le décalage entre les interventions de Dora Moutot et de Marie Cau. La première fait davantage preuve de nervosité et d’agressivité lors de ses prises de parole (tics de langage, bafouillages, hausse du ton, gestuelle), tandis que la seconde, sans doute aussi plus habituée à l’exercice de par ses fonctions politiques, continue de faire bonne contenance, malgré les interruptions intempestives de son adversaire. Des coupures qui participent à la dégradation de l’espace public, au même titre que la volonté de Marie Cau de disqualifier la journaliste en la renvoyant hâtivement à la fachosphère et à l’extrême droite. Par ailleurs, l’installation des invités autour de la grande table ronde au centre du plateau mérite d’être soulignée : les deux participantes ne se font pas face, mais sont assises l’une à côté de l’autre. Il est probable qu’une telle disposition influence leur manière de débattre, ou du moins leur capacité à s’écouter. En tout cas, leur langage corporel s’en voit modifié : si la très frontale Dora Moutot se tourne davantage pour regarder son adversaire, Marie Cau quant à elle fixe majoritairement son regard sur la présentatrice. Néanmoins, malgré les nombreuses interruptions constatées, le temps de parole de Marie Cau reste légèrement plus élevé que celui de son opposante. Dans son article « Les gloires ordinaires. Actualité du concept arendtien d’espace public », le philosophe Étienne Tassin décrit l’espace public arendtien comme un espace de lutte et de revendication de la singularité5. Mais les conditions de cet espace public idéal, de cette table commune comme le conçoit la politologue Hannah Arendt, doivent notamment reposer sur le respect mutuel.
Une quête du clash
La question posée par Léa Salamé à Dora Moutot : « […] Marie Cau, c’est une femme pour vous ou non ? », en plus d’être violente pour la personne concernée, ne manque pas de faire basculer le débat vers l’affrontement. En réponse, Dora Moutot mégenre d’emblée la femme politique en la renvoyant à son sexe biologique de naissance. Le montage par écran divisé (split screen) encadrant chacune des deux intervenantes par un plan poitrine renforce cette poursuite du clash. La caméra scrute le visage de Marie Cau pour en capter toute trace d’exaspération et d’irritation. Continuant sur sa lancée, Léa Salamé se tourne alors vers la maire pour l’interroger à son tour : « […] Comment vous réagissez quand elle estime que vous n’êtes pas une femme ? » Sans grande surprise, la présentatrice peine à maintenir un débat constructif, puisque les invectives ne tardent pas à fuser, « transphobe » pour l’une et « misogyne » pour l’autre.
L’impéritie des animateurs
Outre l’insensibilité des questions précédemment posées, le manque de rigueur des animateurs attire aussi l’attention. D’une part, l’invité permanent de l’émission Christophe Dechavanne essaie ponctuellement de vulgariser certains propos « pour le commun des mortels qui regarde la télé », mais son manque d’expertise sur le sujet se constate rapidement au vu du vocabulaire confus et inadapté qu’il utilise (« se transformer » au lieu de transitionner, par exemple). Un peu plus tard dans l’émission, Léa Salamé demande à Marie Cau de réagir à un récent communiqué de l’Académie nationale de médecine alertant sur la très forte augmentation des demandes de changement de sexe chez les enfants et les adolescents, mais lorsque la femme politique demande davantage d’informations sur la volumétrie avancée, la présentatrice ne peut y répondre. Un manque de professionnalisme qui dégrade davantage l’image de l’émission.
La sensationnalisation de la transidentité
Le débat atteint des proportions presque surréalistes, lorsque Dora Moutot utilise le cas de prisonniers transgenres ayant violé leurs co-détenues féminines aux États-Unis pour ensuite s’exclamer : « […] Je ne dis pas que toutes les personnes trans font cela, loin de là, mais on est obligé de se méfier des personnes à pénis en tant que femme ! », à la grande stupéfaction des animateurs et du public relativement jeune. Les paroles suivantes de la journaliste sont grossièrement coupées au montage, une tribune en soutien à Dora Moutot parue dans Marianne rapporte que cette dernière aurait été huée par le public durant la coupure6. Marie Cau semble perdre pour la première fois son calme, elle dénonce un amalgame insultant qui assimile toutes les femmes transgenres à des prédateurs sexuels et qui incite à la haine transphobe, bien que Dora Moutot s’en défende avec véhémence. Le débat s’enlise alors et les limites du dialogue semblent être atteintes.
Un débat sauvé par les invités et le public
Des quatre autres invités assistant au débat, l’humoriste Jérémy Ferrari est le premier à fustiger le pauvre niveau du débat, en désignant expressément Dora Moutot devant un public hilare. Il condamne la haine, l’agressivité et le manque d’arguments de la journaliste sous les applaudissements. La maire fait appel aux spectateurs présents sur le plateau pour sonder qui parmi eux se sont questionnés à l’adolescence sur leur identité de genre. Une jeune femme prend alors le micro et partage avec émotion son choc face à la violence du débat qui a eu lieu. La caméra s’attarde alors sur l’intervenante réconfortée par ses deux amis, ce qui accentue le contraste avec le climat tendu précédemment instauré par le débat. Invité à donner également son avis par la présentatrice, le Ministre de l’Action et des Comptes publics Gabriel Attal répond : « […] Il y a effectivement des gens qui écoutent et qu’il y a des propos qui peuvent blesser, qui peuvent choquer […] Le débat gagnerait à sortir d’idéologies caricaturales. » Justement, qu’est-ce que l’idéologie ? D’après Hannah Arendt, c’est confondre une loi censée régir la société humaine avec une loi implacable venant de la nature ou de l’Histoire. C’est avoir une représentation figée de la société, avec des lois qui ne prennent pas en compte les expériences… Ce qui démontre une absence de pensée. Or, la pensée nécessite la prise en compte de la singularité. Fabrice Arfi, journaliste d’investigation pour le site d’information Mediapart, pointe pour sa part la même mécanique du discours dont abuse l’extrême droite pour ses analogies entre l’immigration et la délinquance. Tous les invités s’entendent pour saluer le témoignage en préambule de Marie Cau. Finalement, Léa Salamé conçoit que les exemples de viol sont contre-productifs dans la thèse de Dora Moutot.
Dans son article « Repenser la sphère publique : une contribution à la critique de la démocratie telle qu’elle existe vraiment », la philosophe féministe Nancy Fraser rappelle à juste titre que : « […] les sphères publiques ne sont pas uniquement des arènes où se forment l’opinion publique discursive, mais elles sont aussi des arènes où se forment et s’expriment les identités sociales. »7 Aussi, l’annonce du débat « Un homme peut-il vraiment devenir une femme ? » par la présentatrice Léa Salamé en début d’émission interloque forcément : la transidentité devrait-elle être encore sujet à débat alors que l’existence des personnes transgenres est un fait, reconnue dans la loi et la médecine ? En faisant appel à une intervenante qui atteint à la dignité de son adversaire, en poursuivant une logique du clash et en traitant la transidentité avec sensationnalisme, l’émission du service public a réuni toutes les conditions d’un débat stérile.
Adeela et Charlotte
- FRANCE TV, Quelle époque ! Émission du samedi 15 octobre 2022 [en ligne], 2022. URL : <https://www.france.tv/france-2/quelle-epoque/4177846-emission-du-samedi-15-octobre-2022.html> (Consulté le 07/04/2023).
- FRANCE TV, Quelle époque ! Replay et vidéos en streaming [en ligne], 2023. URL : <https://www.france.tv/france-2/quelle-epoque/> (Consulté le 07/04/2023).
- AFP, « Le Planning familial critiqué pour une affiche avec un homme transgenre enceint, la ministe Isabelle Rome apporte son soutien à l’association », Le Monde [en ligne], 22/08/2022. URL : <https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/08/22/le-planning-familial-critique-pour-une-affiche-avec-un-homme-transgenre-enceint-la-ministre-isabelle-rome-apporte-son-soutien-a-l-association_6138691_3224.html> (Consulté le 07/04/2023).
- MOUTOT, Dora, STERN, Marguerite, « Mme Élisabeth Borne, féministes, nous nous inquiétons de ce que devient le Planning familial », Marianne [en ligne], 22/08/2022. URL : <https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/mme-elisabeth-borne-feministes-nous-nous-inquietons-de-ce-que-devient-le-planning-familial> (Consulté le 07/04/2023).
- TASSIN, Étienne, « Les gloires ordinaires. Actualité du concept arendtien d’espace public », Cahiers Sens public [en ligne], n° 15-16, 2013/1-2, pp. 23-36. URL : <https://www.cairn.info/revue-cahiers-sens-public-2013-1-page-23.htm> (Consulté le 07/04/2023).
- TRIBUNE COLLECTIVE, « Plainte contre Dora Moutot : “Le transgenrisme aura-t-il la peau de la liberté d’expression ?” », Marianne [en ligne], 27/02/2023. URL : <https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/plainte-contre-dora-moutot-le-transgenrisme-aura-t-il-la-peau-de-la-liberte-dexpression> (Consulté le 07/04/2023).
- FRASER, Nancy, « Repenser la sphère publique : une contribution à la critique de la démocratie telle qu’elle existe vraiment. Extrait de Habermas and the Public Sphere, sous la direction de CALHOUN, Craig, Cambridge : MIT Press, 1992, pp. 109-142 », Hermès, La Revue [en ligne], 2003/3, n° 31, pp. 125-156. URL : <https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2001-3-page-125.htm?contenu=resume> (Consulté le 07/04/2023).
Quel article! Le propos est à la fois clair, dynamique et bien construit. Le lecteur ne perd pas une miette du débat retranscrit à la manière d’un fait divers et donne envie de se pencher plus précisément sur la vidéo en elle-même. Bien que l’on sent des prises de position de la part des rédactrices qui s’interrogent sur le principe d’inviter deux personnalités aux idéaux contraires, le propos reste pacifique. Cette “quête du clash” est bien analysée, nous interrogeant plus largement sur la place du conflit au sein de l’espace public. On regrette cependant la présence d’hyperliens à la place des notes de bas de page qui rendrait plus fluide la lecture. De plus, les photos matérialisent l’opposition si bien qu’en lisant l’article, on pourrait penser que l’on ne manque rien du débat.
Concernant la forme de cet article, nous aurions apprécié accéder à une analyse moins fragmentée, c’est-à-dire plus globalisante, présentant des axes moins descriptifs et plus réflexifs. En effet, nous avons eu la sensation de suivre parfaitement la trame de ce qu’il advient chronologiquement dans le débat filmé et il nous a manqué un peu de hauteur, un fil rouge plus visible pour mieux vous suivre dans votre analyse. Les titres à répétition, s’ils indiquent clairement le propos, brouillent un peu l’avancement général de l’article et participent à cette fragmentation. De la même manière, nous pensons qu’il aurait été judicieux d’intégrer des éléments analytiques tels que des schémas indiquant les temps de parole, une chronologie de l’émission ou encore les times codes des verbatim afin de retrouver les passages cités plus facilement.
Si votre analyse très complète de la vidéo nous a permis une bonne compréhension des enjeux soulevés, vos réflexions venues interroger la notion d’éthique sans la définir semble pour nous un manque à gagner. Même s’il s’agit d’un terme dont la définition est plutôt complexe, l’éthique au sein des services de communication audiovisuelle est définie. Votre article, bien que venant questionner un possible échec du service public, manque de définir quels sont ces devoirs éthiques auxquels France Télévision doit répondre là où une référence à leur charte d’éthique aurait pu éclairer.
Par la même, faire appel à la loi du 30 septembre 1986, décrivant l’exercice de la liberté de communication par voie électronique, aurait pu appuyer votre propos au-delà de la conclusion, qui semble être la seule à en reprendre les termes, notamment concernant le respect de la dignité humaine. Plus de précisions juridiques et déontologiques auraient rendu votre article encore plus compréhensible et permis à tous les lecteurs de comprendre les implications de votre problématique.
Pour aller plus loin, nous savons qu’il ressort de l’ARCOM de garantir l’exercice de cette liberté a posteriori et même si votre article semble donner votre avis, pensez-vous que cette émission devrait faire l’objet d’un signalement ?
Pour finir, s’agissant plus là des réactions, voyez vous des liens entre le recours au public sur le plateau et les interventions a posteriori des associations attaquant en justice Dora Moutot pour injure et incitation à la haine ? Même si nous condamnons le débat au même titre que vous, pensez-vous que des associations y auraient leur place ?
Alice Bohin, Aurore Burr, Manon Sarrailh
Tout d’abord, nous tenons à vous remercier pour votre lecture attentive de notre article, ainsi que l’intérêt que vous avez porté à commenter ce dernier. Nous allons reprendre point par point vos remarques et interrogations, afin de tenter d’y répondre avec le plus de clarté possible.
Nous ne nous interrogeons pas sur le principe d’inviter deux personnalités aux idéaux contraires, puisqu’il ne peut y avoir de débat que s’il y a des différences d’opinions, cependant il est important de rappeler que la transphobie n’est pas une opinion, mais un délit passible de sanctions pénales en France (1).
Concernant l’usage des notes de bas de page, nous avons choisi de recourir à ces dernières plutôt qu’à des hyperliens, pour d’une part observer les normes universitaires relatives aux références et d’autre part, respecter les consignes données. En outre, sachez qu’en survolant l’appel de note chiffré, vous pouvez accéder au lien de la source sans descendre en bas de l’article.
Concernant la forme de notre article, nous comprenons la sensation d’une description chronologique du débat qui manquerait quelque peu d’hauteur. Toutefois, notre choix d’une analyse fragmentée par des titres est calculée. En effet, cette fragmentation permet de faire ressortir davantage les axes d’analyse qui nous paraissent importants à souligner. Si l’on prête plus attention à ce découpage, et que l’on visionne attentivement le débat, nous pouvons voir que ces axes sont le fil rouge de notre analyse : les éléments qui en ressortent sont bien ceux retranscrits par ces titres. Quant à l’intégration d’éléments analytiques tels que des schémas ou des graphiques, bien qu’ils offrent une certaine satisfaction visuelle au lecteur, ils n’auraient apporté qu’un intérêt négligeable à notre article puisque, comme nous l’avons indiqué, les temps de parole entre chacune des deux participantes ne diffèrent que légèrement. Nous avons donc fait le choix d’en rester à des images de l’émission qui parlent d’elles-mêmes. De plus, une chronologie de l’émission sur un débat qui n’intervient qu’à sa fin n’aurait eu qu’une valeur descriptive. Néanmoins, nous vous rejoignons sur l’absence regrettable des codes temporels des verbatim et les précisons donc à postériori par ordre de citation : [01:46:29] ; [01:48:07] ; [01:49:25] ; [01:49: 27] ; [01:45:34] ; [02:00:00] ; [01:52:07] ; [01:57:52] et [01:58:34] ; [00:04:14].
Concernant le manque de définition de la notion d’éthique, même si elle nous semblait assez évidente, il est vrai qu’un rappel n’aurait pas été superflu. Aussi, l’éthique fait référence aux valeurs morales (intégrité, impartialité, respect, compétence ou encore loyauté) permettant de veiller à l’intérêt public. Par ailleurs, vous avez raison de souligner que celle-ci est bien définie en droit des télécommunications, en rappelant à juste titre la loi n°87-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Si cette loi dispose du « caractère pluraliste de l’expression de courants de pensée et d’opinion », elle veille aussi « au respect de la dignité de la personne humaine » et engage donc à la protection contre l’incitation à la discrimination et à la haine. En outre, les recommandations émises auparavant par le CSA fixent également certains principes afin de guider les organisateurs de débats télévisés : « cet équilibre des points de vue ne doit pas conduire les organisateurs à privilégier les tenants des positions extrêmes, leur offrant à cette occasion une tribune inespérée » (2). Enfin, la charte d’éthique de France Télévisions rappelle quand même son engagement à « un certain nombre de valeurs liées à la diversité et à l’universalité, au respect de l’autre, à l’ouverture au monde et à l’innovation » (3). Ainsi, au vu du débat tel qu’il fut orchestré (remise en cause de la légitimité de l’existence des personnes transgenres, intervenante polarisante, logique du clash, etc.), le service public a failli à l’éthique déontologique qui lui incombe et de surcroît a échoué à tendre vers un dialogue constructif et utile à la société française.
Concernant le signalement à l’Arcom, il est intéressant que vous posiez la question, car bien qu’il soit possible de signaler une séquence pour atteinte à la dignité de la personne, et pour incitation à la haine et/ou à la violence, il est à ce jour impossible d’en signaler pour propos et/ou attitude discriminatoires liés à l’identité de genre spécifiquement (4).
Enfin, nous ne pensons pas que la plainte déposée contre Dora Moutot par les associations LGBT+ soit uniquement motivée par les réactions du public sur le plateau. Il nous semble en effet que les associations occupent une place essentielle dans les débats de notre société, et plus largement au sein de la sphère publique, puisqu’elles sont constituantes de la société civile et sont essentielles à la représentation des intérêts des différentes communautés, surtout lorsque celles-ci sont marginalisées.
En espérant avoir répondu le plus exhaustivement possible à vos remarques et interrogations.
Adeela et Charlotte
1. MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR, Lutte contre l’homophobie et la transphobie [en ligne], 2017. URL : <http://www.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-des-actualites/2017-Actualites/Lutte-contre-l-homophobie-et-la-transphobie> (Consulté le 20/04/2023).
2. ADER, Basile, « Éthique et déontologie à la télévision. La doctrine du CSA », LEGICOM [en ligne], 1996/1, n°11, pp. 25-35. URL : <https://www.cairn.info/revue-legicom-1996-1-page-25.htm> (Consulté le 20/04/2023).
3. FRANCE TV & VOUS, Charte d’éthique [en ligne], 2023. URL : <https://www.francetelevisions.fr/groupe/nos-engagements/charte-dethique-47> (Consulté le 20/04/2023).
4. CSA, J’alerte l’Arcom sur un programme [en ligne], 2023. URL : <https://www.csa.fr/Mes-services/J-alerte-l-Arcom-sur-un-programme> (Consulté le 20/04/2023).