Les Victoires de la Musique, cérémonie destinée à récompenser des artistes issus de divers champs musicaux pour leurs créations et productions musicales de l’année, s’est retrouvée, une nouvelle fois, au cœur d’une polémique concernant l’absence quasi totale de gratification de la scène rap pourtant omniprésente dans les classements musicaux français. Si ce débat n’est pas récent, il a pris une ampleur plus importante ces dernières années, suscitant incompréhension et colère du côté des acteurs de l’industrie rap, qui dénoncent une marginalisation et un mépris de la part des votants. Si certains d’entre eux, comme le rappeur Maes, ont appelé au boycott de la cérémonie, d’autres, à l’instar du rappeur SCH récompensé en 2022, se sont bien rendus à l’évènement, sans oublier toutefois, de pointer du doigt le phénomène (« Je vous l’avoue, je suis un peu gêné ce soir de tenir cette Victoire-là dans mes mains, sans les avoir ici assis en face de moi, ces grands messieurs qui auraient mérité tout autant que les artistes ici présents de célébrer leurs victoires de la musique »).
Cette année encore, la victoire du chanteur pop Belge Pierre de Maere face au rappeur Français Tiakola a su raviver la polémique. En effet, le lauréat du prix de la révélation masculine de l’année a lui-même déclaré qu’il considérait le rappeur plus méritant que lui, au regard notamment de son succès et de sa visibilité auprès du public. Ses mots « Il fallait s’y attendre, parce qu’on connaît les Victoires de la musique […] c’est un jury, un comité qui n’écoute pas de rap, qui n’est pas attentif à ce qu’il se passe au niveau rap. » font écho aux revendications portées par les rappeurs.
Booska-p a déjà réalisé plusieurs vidéos sur le sujet, notamment dans leur émission officielle « Dis les termes», avec des discussions autour de ces problématiques. Publiée sur YouTube, il semble pertinent d’y associer le réseau social Twitter, espace d’expression particulièrement libre, place de débat privilégiée, probablement en raison de la facilité d’accéder à un large corpus de discussions ayant eu lieu sur un sujet précis. Ainsi, bien qu’il apparaisse relativement hardi de se limiter aux commentaires formulés sur cette unique vidéo, les utilisateurs ont néanmoins été nombreux à argumenter et questionner la problématique que nous évoquions plus tôt.
En effet, il est possible d’envisager Twitter comme un nouvel espace d’expression publique, au sein duquel les voix, souvent silencieuses sur les médias traditionnels, se multiplient. L’onglet “récemment” du réseau, disponible lors d’une recherche sur un sujet précis, permet d’avoir accès à toutes ces réflexions sans hiérarchie imposée par le nombre d’interactions avec la publication. De plus, la grande accessibilité aux commentaires d’un tweet et l’aspect instantané de la plateforme permet aux utilisateurs de discuter et débattre efficacement.
Une analyse couplée des tweets des utilisateurs trouvés sur ce sujet (en saisissant des mots-clés liés à la polémique dans la barre de recherche), ainsi que de ceux publiés en réponse à des médias de plus grande ampleur, permet de comprendre plus exhaustivement le débat, de quelle manière il a pu être un acteur de la création de la cérémonie des Flammes, tout en envisageant dans quelle mesure le réseau se révèle être un espace de discussion parfois, bien qu’il ne puisse être considéré entièrement comme tel, plus équitable que d’autres.
I. Twitter, nouvel espace d’un débat public limité.
Le rap est aujourd’hui le genre musical le plus écouté en France, tous supports confondus. Une domination des classements qui vaut preuve de revanche pour une musique qui a longtemps été marginalisée, par les auditeurs comme par les institutions.
Malgré sa popularité, le rap est pourtant le grand absent des récentes cérémonies musicales, et notamment des Victoires de la musique, et ce depuis plusieurs années. Ce manque de reconnaissance a logiquement suscité un débat important notamment sur les réseaux sociaux, qui concentre aujourd’hui largement les débats qui agitent l’espace public.
Notre espace public a ainsi été largement recomposé par l’arrivée d’Internet, et pour Nicolas Douay et Aurélien Reys, Twitter serait « symbolique de ces nouvelles formes d’expression publique en ligne »1 (Douay, Reys, 2016).
En effet lors de sa création, dans la forme que nous connaissons, certains ont comparé Internet à l’espace public Habermassien, voyant dans ce nouvel espace un dispositif capable de “revitaliser la démocratie”2. Plusieurs acteurs développent ensuite cette idée et notamment Al Gore qui, en 1994, qualifie l’ère des réseaux de « nouvel âge athénien de la démocratie »3. Mais cette vision positive d’internet n’est pas partagée par tous, et certains auteurs mettent vite en lumière les limites d’internet comme lieu du débat public. Si le débat peut-être égalitaire sur internet, il est souvent loin d’être argumenté, caractéristique pourtant centrale du débat dans l’espace public. « En revanche, l’échange argumenté est loin d’être toujours la règle. Le débat ne tend pas vers l’élaboration d’une position commune, mais plutôt vers une multiplication de points de vue contradictoires »4. Michaël Dumoulin qualifie ainsi ce phénomène de “monologues interactifs”. Ces éléments soulignés par les différents auteurs se prêtent alors parfaitement aux caractéristiques de Twitter. Si la plateforme, en tant que nouvel espace public, peut être le théâtre d’échanges et de débats égalitaires, ces derniers relèvent souvent plus d’opinions exprimées sans arguments. Évidemment, ces effets sont exacerbés par l’anonymat, même si de plus en plus relatif, possible sur Internet et sur Twitter en particulier. Tous ces éléments sont liés au design informationnel du réseau social, notamment l’impossibilité, sur Twitter, de dépasser les 240 caractères en un seul tweet. L’opinion est dès lors conditionnée, contrainte, par le réseau social.
Les échanges et débats qu’ont suscité les dernières Victoires de la Musique sur le réseau social sont ainsi représentatifs des éléments présentés jusqu’alors. Évidemment, nous avons bien conscience que Twitter est une plateforme en partie utilisée par un public jeune et donc auditeur de rap. Les échanges étudiés ont alors davantage l’allure de multiples « monologues interactifs » que de véritables débats.
Les réactions ont été vives, de la part des auditeurs comme des rappeurs eux-mêmes, déplorant l’absence de représentativité et appelant au boycott de ces cérémonies. Le rappeur SDM a ainsi violemment pris position dans le tweet suivant, symbolisant la recherche d’un « micro-espace public » selon la formule d’Arnaud Mercier.
« Les réseaux socionumériques sont alors vécus comme un micro-espace public permettant d’acquérir une visibilité sociale, et ce, d’autant plus que sa parole ne passe pas inaperçue car elle est transgressive, iconoclaste et fait polémique »5. Le tweet de SDM est dans ce sens évocateur, car aussi transgressif que polémique. Les réactions et réponses au tweet vont alors dans son sens, les internautes reprenant ses propos et discréditant les Victoires de la Musique comme cérémonie musicale française première.
Un avis que l’on retrouve sous d’autres tweets traitant du même sujet :
Mais si le débat semble limité et les opinions similaires, Twitter n’en reste pas moins un espace d’échange précieux, où certaines voix souvent inaudibles sur les médias classiques peuvent être mises en lumière. Arnaud Mercier expliquait ainsi que les réseaux sociaux, et notamment Twitter, donneraient accès à un “micro-espace public”, venant compenser un “déficit de médiatisation”, une idée qui ferait ainsi directement écho à l’invisibilisation du rap dénoncée par les internautes, sujet central de cet article.
II. Prolongement des débats avec la création d’une cérémonie : Les Flammes
Twitter semble ainsi favoriser le développement d’une nouvelle forme de contribution de la part du public. La plateforme permet d’élargir le cercle communicationnel, comme nous pouvons le constater via le traitement de sujets invisibilisés des principaux médias – la question de la place du rap dans l’émission Les Victoires de la Musique en est un bon exemple. Les nouvelles formes de participation et la connectivité développent un sentiment collectif qui va jusqu’à bousculer le réel, comme en témoigne l’élaboration de la première cérémonie de musiques actuelles Les Flammes. En se référant aux propos de Marie Dufrasne, nous pourrions constater une participation qui a pris la forme d’une pratique co-construite dont le poids est à considérer6.
Finalement, nous pourrions élargir cette pensée pour justifier l’apparition même de médias spécialisés sur la musique rap. Effectivement, les réseaux sociaux ont permis leur développement jusqu’à exercer une influence importante dans le secteur culturel. La liste des partenaires de la future cérémonie en témoigne (exemple : Spotify). Cependant, si nous nous référons aux écrits de Julia Christ, les médias, du fait de leur positionnement unique, n’incitent pas au débat, ou du moins, à la réflexion autour 7. Ils abordent un rôle informatif et ne peuvent donc rien changer à la conflictualité publique. Ainsi, la création des Flammes n’a pas réglé les conflits traités sur Twitter. Au contraire, de nouveaux ont émergé (références aux tweets suivants), avec au cœur, la question de la prise de position sur une nouvelle cérémonie musicale (organisation, symbolisme, justesse…).
Il semble donc que Twitter soit lié à ce qu’Allard et Vandenberghe (2003) appellent un « individualisme expressif ». À travers la présence sur ce réseau social, les individus expriment une volonté de s’affirmer qui pousse à mêler des enjeux personnels à la sphère médiatique. Selon Arnaud Mercier, les réseaux sociaux donnent une visibilité sociale qui fait « caisse de résonance » aux polémiques médiatiques 8. Ainsi, le nouveau mode de participation, intimement lié à une forme d’individualisme, semble pousser à un débat permanent sur la plateforme. Ainsi, à travers la série de tweets exposés plus haut, une autre lecture est à apporter : les questionnements soulevés par les utilisateurs et utilisatrices font échos à des débats sociaux plus larges. Dans le premier [@Remy_Niort], nous pouvons constater un positionnement social qui fait échos aux débats de manque de légitimité du rap dans la culture, ou encore de la stigmatisation de celui-ci. Les deux seconds, plus virulents, semblent refléter une forme d’inquiétude quant à la gestion de la cérémonie Les Flammes. Ici, les deux utilisateurs [@im_kbneo & @Wan119117309] soulèvent l’incertitude que l’industrie du rap français ne refera pas des erreurs similaires aux Victoires de la Musique.
Si nous avons utilisé seulement quelques exemples pour mettre en avant nos propos, il y a en réalité une multitude de tweets échangés sur la cérémonie des Flammes. Parmi eux, une diversité de points de vue s’échangent. L’espace de Twitter nous a été très utile pour mettre en lumière les inquiétudes et désaccords. Effectivement, le support vidéo qui fait complément à cet article, nous a montré qu’une majeure partie de l’audience de “musiques populaires” est en accord avec cette auto-affirmation dans le champ culturel. La zone de commentaire YouTube nous l’a bien prouvé. Dans la mesure où la majeure partie des réponses à ce contenu était positive, nous avons souhaité élargir la recherche à l’espace de Twitter pour connaître l’étendu du débat. À travers une veille de deux semaines [réunissant plus d’une cinquantaine de tweets] 9, nous avons donc sorti deux axes principaux d’inquiétude du public, évoqués à travers les deux exemples utilisés plus haut.
Twitter se présente alors comme un espace actif où les débats des utilisateurs ont des conséquences. Le micro-espace public qui y est créé possède un pouvoir important qui mène à créer de nouveaux acteurs et soulever de nouveaux questionnements permanents. La plateforme permet aux usagers de sortir du cadre de pensée instauré médiatiquement, donnant un sentiment de participation et de cocréation à ces derniers.
1. Douay, Nicolas, et Aurélien Reys. « Twitter comme arène de débat public : le cas du Conseil de Paris et des controverses en aménagement », L’Information géographique, vol. 80, no. 4, 2016, pp. 76-95.
2. Flichy, Patrice. « Internet et le débat démocratique », Réseaux, vol. 150, no. 4, 2008, pp. 159-185.
3. Intervention d’Al Gore, vice-président des États-Unis, en 1994 à l’Union Internationale des Télécommunications.
4. Flichy, Patrice. « Internet et le débat démocratique », Réseaux, vol. 150, no. 4, 2008, pp. 159-185.
5. Arnaud Mercier, « Twitter, espace politique, espace polémique. L’exemple des tweet-campagnes municipales en France (janvier-mars 2014) », Les Cahiers du numérique 2015/4 (Vol. 11), p. 145-168
6. Marie Dufrasne, “Les dispositifs participatifs dans un monde de communication”, Questions de communication, 41 I 2022
7. Julia Christ, “De l’intime au public : Habermas à l’épreuve des réseaux sociaux” [en ligne], AOC, 28 janvier 2022. Voir aussi Esprit, « Habermas, le dernier philosophe », août-septembre 2015.
8. Arnaud Mercier, « Twitter, espace politique, espace polémique. L’exemple des tweet-campagnes municipales en France (janvier-mars 2014) », Les Cahiers du numérique 2015/4 (Vol. 11)
9. Veille réalisée sur les deux dernières semaines de Mars 2023 avec comme mots clefs : Les Flammes, Victoires de la musique Tiakola Pierre De Maere, Cérémonie rap, Cérémonie Les Flammes, Représentation rap Victoires de la Musique, Booska-P Les Flammes, Yard Les Flammes
Bonjour,
Merci pour votre article. Nous souhaitons tout d’abord saluer la clarté de votre contextualisation, celle-ci permet effectivement aux personnes non-informées de situer votre sujet.
Cependant, votre article affirme à plusieurs reprises que le rap est le genre le plus écouté en France depuis de nombreuses années. Nous aimerions savoir si des recherches chiffrées ont démontré cette tendance ?
Nous aimerions également des explications quant à des sujets afin de saisir votre thèse correctement.
Le titre mentionne les inquiétudes des consommateur.trice.s, or il nous a semblé que votre article faisait plutôt appel non pas aux propos de ces dernier.e.s, mais à ceux des artistes qui réagissent aux résultats des Victoires de la musique. Pourriez-vous nous éclairer sur le rôle – et dans quelle mesure – ces consommateur.trice.s ont participé à la création d’une cérémonie comme Les Flammes ? Plus encore, en quoi la plateforme Twitter et ses spécificités ont-elle impacté la situation ?
Aussi, nous aurions besoin d’une précision : la place du rap dans les Victoires de la Musique est-elle invisibilisée dans les autres médias ou la cérémonie est-elle intrinsèquement excluante ?
L’argument tiré des textes d’Arnaud Mercier semble très pertinent dans les cas que vous avez mentionnés, il apporte en effet une réflexion précise sur le sujet de “micro-espace public”, notion qui a suscité notre intérêt.
Toutefois, de notre lecture ressort la sensation que votre article se concentre davantage sur l’influence et l’importance des réseaux sociaux sur le “réel” (que, selon nous, vous avez très bien su traiter) que sur la sollicitation de Twitter en tant qu’espace public et/ou espace de débat. L’analyse proposée ne présente pas une lecture quantitative ou qualitative des pratiques des consommateur.trice.s sur ce réseau, ce qui, à notre sens, aurait été important pour constituer une base solide d’analyse.
Vous relatez le fait que certaines voix ne seraient pas représentées dans les médias traditionnels mais le seraient mieux (ou du moins en ont l’opportunité) au sein des plateformes numériques, telles que Twitter par exemple. A quelles voix faites-vous référence ? S’il s’agit de celles des interprètes de rap, comment expliquez-vous que les médias les sous-représentent ? De plus, diriez-vous que les rappeur.euse.s ont su s’approprier la scène médiatique sur les plateformes pour créer leur espace public ?
Vous écrivez que Twitter est un espace d’expression libre, ne pensez-vous pas que la notion de liberté et d’égalité dans les débats sur Twitter est débattable ? Vous semblez associer cette liberté à l’anonymat des personnes inscrites sur la plateforme. L’anonymat est induit par le réseau social en lui-même selon vous. Cette théorie nous intéresse, nous voulions donc vous demander s’il était possible pour vous de nous conseiller une référence pour approfondir le sujet. Il nous semble que l’exposition de soi sur les réseaux sociaux en ligne est un prisme, même si la théorie de l’anonymat sur Twitter se vérifie, il reste des personnes plus ou moins anonymes sur les réseaux sociaux (exemple des comptes de personnalités publiques face aux comptes avec pseudos, etc). De même pour la théorie selon laquelle l’anonymat favoriserait les débats moins constructifs, pouvez-vous nous proposer une recherche sur le sujet ?
Pour finir, nous vous remercions pour avoir mis en lumière un sujet dont nous nous accordons avec vous sur le fait qu’il mérite d’être traité dans les médias, mais surtout analysé afin d’en connaître les paramètres constitutifs.
Bonjour,
Tout d’abord, merci pour votre intérêt et vos remarques constructives concernant notre article. Celles-ci furent très pertinentes pour repenser notre sujet. Nous souhaitions donc vous répondre point par point :
Premièrement, nous basons notre affirmation sur l’importance de la consommation de musique rap grâce au rapport 2023 de la SNEP : https://snepmusique.com/wp-content/uploads/2023/03/SNEP-DOSSIER-DE-PRESSE-MARCHE-2022-1.pdf (page 17). Sur le top 200 des albums les plus consommés en France, on retrouve 106 albums « urbains », soit plus de 50%. On retrouve ensuite des genres tels que la pop, la variété, les musiques du monde…
Secondement, les consommateur.trice.s rap ont contribué à faire émerger un débat autour du manque de représentativité du rap dans les cérémonies de musique. Leur contribution s’est faite à travers la création d’un débat dans l’espace public. Nous pouvons d’ailleurs préciser qu’iels ont pallié au manque de discussion sur ce topic, puisqu’invisibilisé par les médias dits « classiques ».
Par la suite, nous souhaitions revenir sur les spécificités de Twitter. Celles-ci sont donc importantes dans un contexte comme celui-ci puisqu’il a créé un espace dans lequel les auditeur.trice.s ont pu commenter et partager. De la même manière, il a forgé un espace où élaborer sur ces questions et donc, échanger. Dans ce sens, nous voulons dire que le rap est un thème souvent exclu de l’espace public – puisque jugé illégitime au débat. Pour prendre un exemple, les événements rap ont longtemps été centralisés sur les villes de Paris & Marseille. De la sorte, les auditeur.trice.s se situant hors de ces villes ont dû créer des communautés en ligne pour pouvoir échanger, partager et diffuser. Ceci est lié aux politiques publiques qui ont jugé cet art comme illégitime durant une longue période. Pour en découvrir plus sur la question, vous pouvez vous pencher sur le concept d'(il)légitimité de Karim Hammou, sociologue du rap français.
Vous questionnez ensuite notre choix sur les Victoires de la Musique. Elle est une des cérémonies principales en France. Ainsi, notre choix de cibler sur celle-ci était pour montrer l’ampleur de ce dénigrement. Cependant, nous aurions pu élargir notre article à de nombreuses cérémonies, et ceci, de manière même mondiale (débats similaires en Angleterre ou encore aux États-Unis).
Ensuite, si notre article se concentre sur l’influence des réseaux sociaux sur le réel, il traite toutefois de certaines pratiques bien propres au réseau Twitter. En analysant les tweets de différents comptes (personnalités publiques et utilisateur classique, ici différenciés par l’étiquette « vérifiée »), nous pouvons déjà analyser, dans ce corpus réduit, une récurrence dans le langage comme dans le registre utilisé. Le débat sur Twitter est verbal, souvent faiblement argumenté, parfois violent, que les tweets émanent de personnalités publiques ou d’utilisateurs classiques. Si vous critiquez sur notre utilisation d’un corpus restreint, et c’est entendable et logique, il faut néanmoins prendre en compte l’impossibilité, à notre échelle, d’effectuer une véritable analyse de fond sur un corpus large de tweets. Notre méthode d’analyse nous a conduit à choisir des tweets d’utilisateurs variés, au verbatim différent et à l’argumentaire pertinent. Dès lors, ces tweets, certes restreints, donnent, selon nous, un panel plutôt représentatif du débat prenant place sur le réseau social Twitter.
Les « voix » dont nous parlons sont celles des personnes cohabitant dans le milieu des cultures populaires. Ainsi, nous pouvons réunir les artistes (interprètes, compositeur.trice.s…), des acteurs directs (labels, médias…) ainsi que les consommateur.trice.s. Le rap se veut comme une culture populaire qui porte donc l’idée d’un art en collaboration, d’un art qui fait lien entre les artistes et le peuple.
Comme nous avons pu l’évoquer plus haut avec la notion d’illégitimité est centrale dans le traitement de sujet concernant la culture hip-hop (dont le rap fait partie). Si les médias sous-représentent ces interprètes c’est bel et bien dans un contexte de considération culturelle. Aujourd’hui, bien que le rap soit une source économique importante, les stéréotypes à son propos sont toujours très proches de sa représentation. L’appellation « musique urbaine » nous prouve qu’il y a encore une importante confusion quant à l’état actuel du rap et que les médias n’ont pas la volonté de lui rendre ses lettres d’or. Finalement, la sous-représentation peut également être liée aux publics consommateurs de médias généralistes (presse). Effectivement, les lignes éditoriales respectent les objectifs d’intérêt des lecteur.trice.s qui, souvent, ne sont pas celleux qui écoutent du rap. Nous nous souvenons des réactions lorsqu’Aya Nakamura fit la une du journal Le Monde.
Plus que les artistes, la totalité des acteur.trice.s de cet environnement ont su s’approprier l’espace médiatique pour créer leur espace public. Comme nous le disons dans l’article, l’apparition de réseaux comme Twitter ont permis la création même de médias spécialisés dans le rap. Pour en découvrir plus sur la question, nous vous dirigeons vers « 40 ans de musiques hip-hop » (Hammou & Sonnette).
Pour finir, bien sûr, la notion de liberté et d’égalité est débattable sur les réseaux sociaux. Il est toujours difficile d’affirmer un accès égalitaire et libre des barrières (conscientes comme inconscientes) que la société nous impose. Cependant, et comme vous l’avez relevé, nous avons tendance à penser que l’anonymat dégage déjà certaines d’entre elles. C’est d’ailleurs ce que nous avons tenté de mettre en lumière en citant Arnaud Mercier lorsque celui-ci indique que les réseaux socionumériques offrent une visibilité sociale. Les enjeux et risques de Twitter se situent d’ailleurs également dans ce même procédé puisqu’il y a un risque d’oublier les notions liées au respect d’autrui – directement lié à la confrontation indirecte qui laisse penser à l’internaute que ses actions n’ont pas les mêmes conséquences que dans le réel.
Pour revenir sur votre dernier point, nous vous conseillons de vous tourner vers la revue Effeuillage qui, dans de nombreux numéros, pose la question des effets d’anonymat/personnalité publiques sur l’espace public. Plus que « moins constructifs », certains des auteurs (par exemple Jérôme Giusti & Michel Kadige) posent la question des conséquences de l’anonymat en réponse aux tweets des personnalités.
Merci encore de vos remarques.