Les propos du rappeur Freeze Corleone jugés antisémites, ont cristallisé l’opinion publique, séparant d’une part les partis politiques, des associations telle que la LICRA, et les fans du rappeur dans l’arène médiatique. Le 21 septembre dernier, l’émission “Touche pas à mon poste !” (TPMP) accueille sur son plateau un fan défenseur du rappeur, Myra Durden qui fait face à Valérie Bénaïm, journaliste et animatrice de radio. Ce débat s’est articulé suite à une intervention de la journaliste le 17 Septembre 2020 où les discussions étaient centrées sur les paroles du rappeur français, qu’elle a qualifié de «grosse merde» ou encore « d’abjecte ». Ces propos ont attisé la colère des fans du rappeur notamment sur Twitter, où la polémique s’est déclenchée.
Or l’intervention de Myra Durden a permis de nuancer le débat sulfureux autour de l’artiste et du rap en général en défendant «l’usage d’un art provocateur» et en insistant sur le fait que le rappeur pointait toutes les communautés. Cet échange a également relancé d’autres polémiques telles que l’affaire Mila ou encore le Blackface de Valérie Bénaïm. Tout au long de l’échange, la journaliste est revenue sur ses propos qui avaient déclenché la polémique sur les réseaux sociaux. Or, comment l’émission proposant à la fois du contenu d’information et de divertissement a-t-elle remis en cause un débat, née initialement sur Twitter ?
Principal concurrent des émissions de divertissement, TPMP connaît un grand succès sur C8 avec une audience avoisinant les 1.5 millions de spectateurs en diffusant le soir à des heures de grande écoute, et en bouleversant ainsi les logiques publicitaires de cette tranche horaire. Cependant l’émission a souvent été au cœur des polémiques du fait de ses logiques de divertissements tout en mêlant du contenu d’informations et des propos tenus sur le plateau souvent considérés comme sexistes, homophobes ou encore racistes.
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Un espace public qui correspond à l’idéal arendtien ?
L’avènement de l’internet, et plus particulièrement des réseaux sociaux, ont fondamentalement bouleversé la conception de l’espace public que plusieurs penseurs ont théorisé dès les années 1960, notamment au travers des recherches de Jürgen Habermas. Le sociologue à travers son ouvrage, retrace l’avènement de l’espace public avec l’émergence de la classe bourgeoise, « La sphère publique bourgeoise peut être tout d’abord comprise comme étant la sphère des personnes privées rassemblées en un public.”. Mais cette conception de l’espace public n’est plus adaptée pour l’époque moderne au regard de sa conceptualisation élitiste de l’espace public, à l’ère d’une démocratie de masse post-bourgeoise pour reprendre les mots d’Hannah Arendt. Ainsi la politologue va repenser et conceptualiser ces espaces et proposé un idéal démocratique intégrant l’ensemble des citoyens à la prise de décision politique, “Le mot « public » (…) signifie d’abord que tout ce qui parait en public peut être vu et entendu de tous, jouit de la plus grande publicité possible.”. L’espace public devient un espace qui s’est démocratisé et institutionnalisé au fil du temps, puisque la parole politique s’est peu à peu élargie à l’ensemble de la population qui s’est appropriée les nouveaux outils médiatiques de masse, eux-mêmes démocratisés.
Or l’exemple du débat autour de Freeze Corleone durant l’émission Touche pas à mon poste ! Reflète-t-elle cette transformation au sens de cette théoricienne ? Met-elle en scène la vie politique et la mise en relation des citoyens, participant activement et de manière égale aux affaires publiques ?
Ou qui tend au contraire à un espace public en déclin ?
L’émission reprend généralement des sujets qui ont cristallisé l’opinion dans la sphère publique et médiatique pour échanger en direct sur son plateau avec la « baba sphère » et d’autres intervenants profanes ou bien experts.
Sur le plateau de l’émission, la disposition en arc de cercle de la table est faite en sorte que Valérie Bénaïm soit placée en face de l’invité, Myra Durden, pour pouvoir distinguer les différents camps lors de cette joute oratoire. Cyril Hanouna est placé au centre du plateau, devant l’écran qui permet d’introduire le sujet de l’émission, en tant que chef d’orchestre. Or cette mise en scène du plateau semble favoriser l’échange des interlocuteurs, mais qu’en est-il du contenu propre au débat ? Peut-on parler d’un partage de discours argumentés au sens de Jürgen Habermas et d’Hannah Arendt ?
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Jeune rappeur et invité sur le plateau, Myra Durden, se place comme ardent défenseur de Freeze Corleone et du rap en général. Tout au long de l’échange, Myra Durden va justifier les propos émis par Freeze Corleone, au nom d’un “droit à la provocation” notamment en citant et en confrontant des figures provocantes du milieu musical français comme Jacques Brel ou encore Serge Gainsbourg. “L’art en général a toujours été borderline, un art qui n’est pas borderline, c’est de l’art tiède”. Ce jeune étudiant de 21 ans fait part de son opinion, en tant que citoyen profane, ce qui renvoie fondamentalement à l’idéal arendtien dans la mesure où la parole est délivrée à l’ensemble de la population ayant une expertise ou non.
En tant que présentateur de l’émission, Cyril Hanouna, incarne le rôle d’intermédiaire et permet d’encadrer le débat en donnant et la parole à chaque intervenant. Seulement le présentateur ne cache pas ses opinions personnelles notamment en utilisant la formulation “Pour moi” ou encore “Moi je” à plusieurs reprises. Il intervient directement durant l’échange, coupant ainsi la parole des deux invités et quitte sa position de présentateur, censé incarner la neutralité. Ainsi il semble entretenir une forte relation avec ses chroniqueurs et son public qui connaissent ses opinions, et avec lesquels il utilise un langage familier afin d’incarner la proximité et l’humain pour reprendre les mots du sociologue François Jost, notamment en citant une autre polémique de façon familière : “Pour moi, ce qu’elle a fait Mila, c’est de la merde.”
Tout au long du débat, Valérie Bénaim explique sa position et ses réactions sur les réseaux sociaux. Elle se justifie également pour la polémique du Blackface qu’elle avait réalisé au côté de Jean Michel Maire en mars 2014, considéré comme provocant au même titre que les propos de Freeze Corleone. Seulement, la journaliste est souvent reprise par le présentateur, qui finit par céder la parole à Myra Durden ou donner son opinion, en coupant directement la parole et en faisant un signe bref de la main. Or ce débat a pour but de remettre en cause les propos d’un rappeur jugés antisémites et à caractère raciste. Seulement lorsque Valérie Benaim déclare “Je suis juive, vous pouvez le dire.”, Cyril Hanouna rétorque “Vous êtes surtout bien payé » pour ajouter par la suite ”Je suis toujours contre les discriminations et les provocations sur les religions.”. La position de Valérie Benaim, renvoie fondamentalement à la question de l’égalité de parole et de visibilité d’un groupe de participant(e)s durant un échange dans l’espace public selon la théorie critique de Nancy Fraser, notamment à propos de la place occupée par les femmes dans la sphère publique. Dans le cadre de ce débat, Valérie Benaim, apparaît exclue de la discussion alors que cette émission devait initialement lui donner la parole pour nuancer ses propos partagés sur les réseaux sociaux qui avaient lancé la polémique.
Or, le sociologue Richard Sennett s’est interrogé dans son œuvre Les tyrannies de l’intimité (1979), sur le brouillage des repères entre vie privée et sphère publique. Le sociologue anglais dépeint le déclin de la vie publique – un type de sociabilité urbaine faite de souci des apparences et de maîtrise des passions – qui s’efface au profit de l’affichage des sentiments intimes. Cette situation s’est parfaitement illustrée lors de la première intervention de Valérie Benaïm au sujet des propos de Freeze Corleone, où des sanglots sont survenus lors de son intervention ou encore la position de Cyril Hanouna, censé jouer le rôle de médiateur mais qui livre ses opinions personnelles tout au long de l’échange.
Ainsi le débat se détache peu à peu de son sujet principal pour devenir une plaidoirie des anciennes polémiques survenues lors d’anciennes émissions et nuit ainsi au débat initial. Or, cette interaction révèle l’illusion d’un espace de libre échange et spontané, durant lequel chacun émet son opinion sans prendre en considération la prise de parole de l’autre et trouver un terrain d’entente. Le débat s’est peu à peu détaché de son sujet initial pour en agripper d’autres au passage. Cyril Hanouna au cœur de l’échange, qui avait pourtant le rôle « d’arbitre », s’est finalement retrouver au coeur de celui-ci. Valérie Benaim, qui avait fait face au déferlement des réseaux sociaux suite à ces propos contre le rappeur, n’a pas pu participer activement au débat et s’expliquer plus longuement sur ses réactions. Ainsi une problématique se pose concernant ce genre d’émissions proposant du contenu d’infotainment, peuvent-elles articuler de réels débats en laissant leurs attraits pour « le show « de côté ?
Méthodologie
Notre étude s’est d’abord portée sur les caractéristiques de l’émission, notamment en termes de contenus, des différents interlocuteurs habituellement présents sur le plateau ou encore des différents retours sur l’émission. Dans un deuxième temps, nous avons travaillé sur la mise en scène du débat et de l’émission, en se focalisant sur la disposition du plateau, des intervenants, de leurs temps de parole et des mouvements de caméra. Nous avons ensuite complété notre analyse en se concentrant sur l’échange notamment en analysant le vocabulaire employé par chaque interlocuteur, leurs prises de position et leur rôle sur le plateau. Une fois que nous avions listé toutes ces informations, nous les avons confrontés avec les différentes théories qui conceptualisent l’espace public, qui se complètent ou se contredisent. Mais qui permettent d’enrichir l’interprétation et la compréhension de l’échange et plus généralement des transformations sociales, au regard de la diversité des plateformes audiovisuelles présentes dans nos sociétés actuelles.
Références bibliographiques :
ARENDT Hannah (1958) Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy Pocket, 1983.
COULOMB-GULLY Marlène (2002) « Propositions pour une méthode d’analyse du discours télévisuel», Mots. Les langages du politique [En ligne], 70 | mis en ligne le 30 mars 2011,consulté le 30 septembre 2016. URL : http://mots.revues.org/9683 ; DOI :10.4000/mots.9683
FRASER Nancy [2001] « Repenser la sphère publique : une contribution à la critique de la démocratie telle qu’elle existe réellement » Hermès 21,2001 p.125-154.
HABERMAS Jürgen (1993) « L’espace public : Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise », Paris, Payot, 324 p.
LORET Eric (9 mars 2017) « Touche pas à mon poste ! », autopsie d’un succès. Journal Le Monde. DOI: https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/03/09/hanouna-comment-ca-marche_5092112_3232.html
JEHEL Sophie (2018) « Stéréotypie, stigmatisation et bouc émissaire au cœur des dispositifs médiatiques contemporains. L’exemple de TPMP. » in René Casanova, Françoise-Marie Noguès (dir.), Bouc émissaire : interroger le concept, Lille, PUS.
SENNETT Richard (1979) « Les tyrannies de l’intimité », Paris, Le Seuil.
Tout d’abord nous tenions à vous remercier pour votre article qui nous a permis d’en savoir plus sur un sujet qui a embrasé l’actualité et remis sur le tapis la porosité de la liberté d’expression.
Votre analyse sous le prisme de l’œuvre de Richard Sennett est notamment très pertinente. Pour étoffer votre analyse, il nous semble que le registre de langue utilisé par Cyril Hanouna – que vous avez également mentionné – peut résulter de ce brouillage entre sphère publique et sphère privé puisqu’il n’adapte pas son langage aux normes de la sphère publique.
Votre problématique d’ouverture soulève également un point essentiel. Au-delà de la course au show qui parasite la diffusion réelle d’information, le débat semble également être contraint par le dispositif télévisé. Les médias influencent l’espace public et l’ordonnent mais leur production ne permet pas aux débats télévisés de bénéficier des mêmes libertés. Votre interrogation relative au show, qui prévaut sur le débat est juste mais nous pensons que ce n’est pas la seule entrave à la discussion : la marchandisation de l’émission la freine également. En effet, les logiques commerciales qui régissent l’émission n’accordent pas une liberté totale à Cyril Hanouna et ses chroniqueurs. Bien qu’il se permettent régulièrement de sortir des sentiers du politiquement correct, ils restent toutefois frileux sur certains sujets qu’ils jugent sensible: le présentateur n’ose pas dire “juive”, et engage timidement les débats susceptibles de diviser l’opinion publique. Toutefois, le choix des mots et des sujets n’est pas le seul frein à son bon déroulement. En effet, vous qualifiez Cyril Hanouna d’arbitre. Or, il n’est pas présentateur mais animateur. Il ne déborde pas de sa fonction en donnant son avis. Mais, pour nous, son temps de parole démesuré ne reflète pas son rôle attitré d’animateur. Il déborde sur le temps de parole des principaux participants du débat, ce qui est une atteinte directe à son dynamisme. Le débat est donc restreint par le dispositif dans lequel il évolue.
Un autre élément qui censure le débat est l’obligation de respecter la grille de programmation. Elle empêchera Myra Durden de finir son argumentation. On peut également voir l’impact de cette limitation dans les interruptions incessantes de Cyril Hanouna à l’égard de Valérie Bénaïm que vous avez associé avec justesse à la conception critique de la place des femmes dans l’espace publique de Nancy Fraser. Nous rajouterons à ce propos que Valérie Bénaïm est utilisée comme bouc-émissaire par l’émission. Elle apparaît comme l’instigatrice du blackface réalisé en 2014. Cyril Hanouna se désolidarise de ce bad buzz en n’utilisant à aucun moment le nous. Or, la production et Cyril Hanouna n’ont-ils pas également une part de responsabilité dans ce bad buzz ? De plus, Jean-Michel Maire qui a lui aussi participé au blackface n’est jamais accusé durant l’émission. Le débat initial à propos du rappeur disparaît, laissant place à un procès de Valérie Benaïm. Nous nous demandons donc quels sont les mécanismes qui ont permis cette déroute ? Elle est ici utilisée comme un instrument par l’émission pour refaire un mea culpa sur cette polémique.
Cependant, nos avis divergent sur certains points. En effet, vous qualifiez Myra Durden de profane. Or, il peut être intéressant de discuter de son statut. Pourquoi la production de TPMP a-t- elle privilégié la voix d’un fan plutôt que celle d’un journaliste spécialisé ou du rappeur lui-même pour intervenir dans ce second débat ?
Ce choix montre que la production a jugé l’expertise de Myra Durden suffisante pour que son intervention dans le débat – dont il est l’un des principaux acteurs – soit pertinente. Ses connaissances au sujet du rappeur et de ses textes dominent nettement celles des chroniqueurs. L’invitation de Myra Durden serait donc le fruit de la validation de « l’expertise du public » de Henry Jenkins, qui définit cette évolution du fan comme un « spectateur qui participe ». Cependant, il peut être perçu comme profane dans son manque de professionnalisme et le manque de justesse dans les mots choisis. Il utilise par exemple le mot « borderline » au lieu de provocateur. Cela vient sûrement d’un manque d’aisance à l’écran. En effet, ce « débat public » est un artefact. Ici, le débat n’est pas une conversation interpersonnelle mais il implique d’autres éléments comme des spectateurs, des caméras, des téléspectateurs qui peuvent venir troubler le discours de Myra Durden. C’est en cela que l’invité s’érige pour nous en profane puisqu’il n’est pas formé aux codes et à la verve télévisuelle.
Pour en finir avec Myra Durden, vous n’avez pas évoqué dans votre article un point qui nous semble crucial. Le choix de Myra Durden en tant qu’invitée n’était pas totalement désintéressée. La production de TPMP lui a donc offert l’opportunité de promouvoir la sortie de son album. Il n’est donc pas là seulement pour défendre Freeze Corleone. Il participe également dans un but égoïste.
Pour conclure nous nous demandons quels seraient selon vous les facteurs d’amélioration de cette émission pour qu’elle reste accessible tout en offrant à son public une information vectrice de sens et faisant réellement avancer les débats publics ?
L’équipe 1
Tout d’abord merci pour l’intérêt que vous avez porté à notre article et pour votre commentaire dans lequel vous avez confronté des théories et des réflexions très pertinentes.
Lorsque vous qualifiez Cyril Hanouna d’animateur et non de présentateur tout en affirmant “qu’il ne déborde pas de sa fonction en donnant son avis », vous laissez entendre qu’il prend part au débat au même titre que les invités présents sur le plateau. Comme vous l’avez énoncé, l’émission TPMP s’est construite sur un dispositif très particulier, puisque dans le cas de cet animateur, il apparaît comme étant proche de son public et de ses chroniqueurs, et ne cache pas ses opinions personnelles sur le plateau, or sur ce point vous avez raison. Cependant, au regard de notre problématique qui justement se focalise sur la mise en scène d’un débat dans le cadre de TPMP, le rôle de Cyril Hanouna est fondamentalement important à souligner, au-delà du dispositif de l’émission. Ici l’animateur occupe une place si importante dans l’échange, qu’il empêche Valérie Benaim de prendre la parole, alors que le but de ce débat était de lui permettre de se justifier à propos des polémiques qu’elle avait déclenché, contrairement à Cyril Hanouna. Ce dernier va profiter de son rôle pour s’accaparer la parole, en son nom, quittant ainsi le débat initial. Cette analyse répond à votre question à propos des mécanismes qui ont engendré le changement radical de discussions sur le plateau, puisque Cyril Hanouna, en dépassant sa fonction, va orienter d’autres débats.
Votre réflexion autour de la place de Valérie Bénaim dans le débat, que vous avez qualifié de bouc émissaire est également pertinente. Par ailleurs Sophie Jehel dans son article « Stéréotypie, stigmatisation et bouc émissaire au cœur des dispositifs médiatiques contemporains » prend l’exemple de TPMP, et déconstruit le dispositif de l’émission et la place occupée par chaque chroniqueur sur le plateau. Elle prend notamment le cas de Mathieu Delormeau, qui endosse le rôle de bouc émissaire, victime de l’animateur tout au long de l’émission. Or il s’avère que dans plusieurs émissions de TPMP, Mathieu Delormeau se retrouvait au cœur des conversations, laissant les sujets initialement discutés, de côté. Dans le cadre de ce débat, ce schéma se reproduit en plaçant Valérie Benaim au cœur d’une multitude de polémiques.
Dans le cas de Myra Durden, nous l’avons qualifié de profane, dans la mesure où ce jeune rappeur débute, il n’est donc pas encore « reconnu » pour son talent sur la scène musicale. Mais votre réflexion à propos de sa venue sur le plateau, c’est-à-dire dans le but de promouvoir son album est tout à fait pertinente. De nos jours les espaces publics sont traversés par des logiques économiques, qui semblent prendre une place de plus en plus prépondérante. Or dans ce cas, les mots d’Hannah Arendt sont fondamentalement révélateurs : « Le mot public signifie d’abord que tout ce qui paraît en public peut être vu et entendu de tous, jouit de la plus grande publicité possible. ». La philosophe dépeint cependant un espace public menacé par la consommation et les logiques économiques qui les traversent, qui pourraient ainsi recouvrir le politique. Or dans le cadre de ce débat, cette publicité est directement incorporée dans la prise de parole de ce jeune rappeur. En effet, en intervenant sur la scène publique, Myra Durden se rend visible et a par ailleurs marqué l’ensemble des spectateurs à tel point qu’il a par la suite été invité par Freeze Corleone lui-même, dans son studio notamment pour enregistrer son prochain album. Cette publicité sert un intérêt commun pour ces deux jeunes rappeurs. Il serait donc intéressant d’analyser la place de ces logiques économiques dans les émissions télévisées, nuisent-elle fatalement au contenu proposé par l’émission ?
Concernant les facteurs d’amélioration qui pourraient être pensés pour que l’émission propose des débats pertinents et constructifs, c’est une question très complexe, dans la mesure où le dispositif entier de l’émission devrait être repensé. Touche pas à mon poste n’a pas pour vocation de proposer du contenu que l’on pourrait décrire de “sérieux” dans le sens où ça ne serait pas compatible avec ce format de “talk-show” qui s’appuie très fortement sur la notion de buzz et de divertissement. Ce constat renvoie à la question centrale sur laquelle nous nous sommes focalisées, par le fait même que TPMP soit diffusée à 19h40, une tranche horaire qui rassemble une grande partie des français devant leur poste de télévision. Cette tranche horaire s’apparente au moment où tout le monde rentre chez soi après le travail avec une volonté de se détendre, et de se divertir. La grille de programmation apparait encore une fois comme une contrainte. Les raisons évoquées rendent difficiles pour TPMP de réellement se structurer comme une émission pouvant faire avancer les débats publics. Mais cette question nous pouvons nous l’a posé à une plus grande échelle. La place qu’occupe le divertissement dans les émissions télévisées doit-elle être plus contrôlée ?
Amelle et Amanda (Equipe 3)