Les réseaux sociaux ont désormais pris une place plus qu’importante au sein de la vie sociale et informationnelle du peuple. Vecteurs d’information et garants de la liberté d’expression (lorsque la censure ne s’applique pas), il est désormais commun de voir apparaître des réactions communes nationales ou mondiales (comme dernièrement avec le #MeToo) avec des partages de contenus, des hashtags repris, des posts relayés sur les murs ou profils. L’espace public numérique qu’est Twitter regorge donc aujourd’hui d’internautes critiques et juges qui s’expriment et réagissent. Dans cet article, nous tenterons d’analyser comment un débat naît et se développe sur Twitter à partir d’une émission de télévision. Nous chercherons à savoir s’il est pertinent de parler de débat, et nous tenterons de le qualifier : est-il constructeur ? Permet-il l’échange d’informations et d’arguments ? Est-il plutôt unidirectionnel ?
Nous avons pris appuie sur l’émission de débat “On n’est pas couché” (ONCP) et une interaction spécifique, celle entre le journaliste Yann Moix et Michel Onfray datant du 19 septembre 2015. Le réseau social étudié, Twitter, nous a montré que différents débats peuvent naître au fil de la soirée. Il nous semble important de rappeler que Twitter est un réseau social particulier du fait que jusqu’à il y a une semaine, le nombre de caractères était limité à 140. Michel Onfray, invité sur le plateau de l’émission vient répondre principalement à l’article paru dans Libération (1) (article étant lui même une réaction d’une interview d’Onfray dans le Figaro (2)) et écrit par Laurent Joffrin.
Des internautes très réactifs
Michel Onfray se présente sur le plateau et annonce ne pas avoir lu l’article écrit sur son interview du journal Le Figaro. En première partie d’émission, cela sera fortement raillé sur Twitter et repris largement. La “twittosphère” attaque et reproche la venue de quelqu’un qui doit répondre à un article et ne l’a pas lu. De la même façon, Onfray dit s’être suffit de ses amis pour l’analyse de l’article et des commentaires qu’ils ont fait dessus. Cette “confiance en ses amis” est repris et tourné en dérisions par les internautes.
« RT @pauldraszen: Son altesse Ofray fait confiance à sa cour et n’a même pas besoin de lire ce que l’on dit sur lui. #ONPC » (@breizhgauche, 00:16:03, 20/09/2015)
Ces derniers vont jusqu’à le comparer avec d’autres auteurs et écrivains tels que Michel Houellebecq et André Torrent. L’homme est décrit comme prétentieux d’être venu sur le plateau sans lire l’article en amont. Cette première partie se déroule de 00H à 00H15 et l’on peut voir qu’il y a plus de retweets (52,7%) que de tweets. On peut analyser cela de la manière suivante : les internautes partagent tous globalement la même idée et souhaitent la partager. Les tweets sont sur le ton de la raillerie et plus le tweet sera ironique, moqueur ou drôle plus il sera relayé.
Après cela, la critique se portant sur le journal Libération même, on décèle dans les tweets l’expression de ses attentes et orientations politiques. Face aux paroles de Onfray ainsi que face aux critiques faites par les journalistes, les « twittos » se divisent pour mieux se positionner quant aux réactions suscitées par les propos recueillis dans les articles : le débat portant sur la question du parti du Front National, les adhérents et opposants se montrent et s’expriment. La gauche y est aussi fortement contestée. Onfray “jouerait le jeu du FN” en attaquant inlassablement la gauche et les mesures prises par celle-ci (en 2015 la gauche est au gouvernement).
Puis à partir de 00h15, les attaques se portent vers une autre figure, celle de Yann Moix, journaliste qui interview Michel Onfray. C’est à ce moment là que le débat s’échauffe. A ce moment là, les commentaires, prennent une autre tournure et un autre ton. On semble assister aux commentaires d’un match de football : les tweets encouragent l’un ou l’autre, on y parle d’arbitre et c’est à celui qui fera le plus taire l’autre. De nombreuses citations sont reprises dans les tweets sans être commentées et montrent l’approbation de celui ou celle qui a fait le tweet.
La définition du peuple
Entre 00h15 et 1h, Michel Onfray est dans le fauteuil de l’interviewé. Yann Moix lui demande de donner sa définition du mot “peuple” puis la discussion s’envenime. Sur Twitter, la définition d’Onfray est tweetée la première fois par BVoltaire :
“Le peuple c’est ce sur qui s’exerce le pouvoir. Excellente définition donnée par @michelonfrey dans #ONPC” (@BVoltaire, 00:20:16, 20/09/16)
Ce tweet va être retweeté 68 fois et il est représentatif de l’accueil général de la définition d’Onfray par les internautes. En effet, la conception du peuple d’Onfray est partagée par la grande majorité des personnes qui tweetent ce soir-là. De plus, au fil de la soirée et jusqu’à la fin de l’interview d’Onfray, les internautes vont tweeter leur propre définition et conception du “peuple”. Ce débat va notamment attirer des comptes d’extrême droite comme FrdeSouche qui vont partager leur vision nationaliste du peuple. On remarque d’ailleurs dans les statistiques réalisées sur le logiciel de l’INA que le nom FrDeSouche est mentionné 38 fois et que le compte Desouchejesuis (3) est le deuxième compte à tweeter le plus pendant l’interview.
Une formation de groupes clairement identifiables
Ce qui est intéressant de remarquer globalement, c’est l’apparition de groupes d’avis communs qui vont se créer : on verra des défenseurs d’Onfray qui vont s’accorder sur sa vision de la gauche, sur sa pensée, son expression et son agacement face à Yann Moix. Il y aura ceux qui sont atterrés par les propos de Michel Onfray, on pourra ressentir un certain agacement :
« @RostatAlberto ça y est, Onfray nous sort le cliché qui prétend le vote FN soit la faute de la gauche et non les gens qui votent FN. #ONPC » (@RostatAlberto, 00:15:16, 20/09/2015)
« Onfray, premier à s’indigner que l’on utilise le terme « fascisme » à tort et à travers, parle de « libéralisme fasciste européen »…#ONPC » (@franck_abr, 00:15:17, 20/09/2015)
« entre les politico-frustrés et les racistes on est servis sur ce hashtague #ONPC » (@OParizet, 00:15:18, 20/09/2015)
« RT @maelle128: »On peut être de gauche sans être à gauche » dixit le #Onfray..#novlang Onfray compare la Lepen à Tsipras mouahaha #ridicule… » (@Jauresienne, 00:15:26, 20/09/2015)
« @michelonfray est comme les politiques, il parle a la place des français et au nom des français comme si il savait tout #ONPC » (@superdesch69, 00:15:27, 20/09/2015)
« RT @JoBaudoin: Tiens, #Onfray l’anti-robespierre, qui cite Gracchus Babeuf et le « populicide ». C’est assez croustillant. #ONPC » (@Chronik_Afrik, 00:15:28, 20/09/2015)
Cette communauté est plus largement représentée par des personnes se désignant comme de gauche. Ces derniers vont reprendre un mot pour le désigner, “chevenementiste” :
“chevenementiste ce sont bien les gens qui sont FN tout en votant à gauche ? #ONPC”
Dans la même lignée, il y aura ceux qui montreront une certaine incompréhension face à l’orientation de l’interviewé qui se proclame de gauche et ne fait cependant qu’en faire la critique et la satire. Il y a aussi un autre groupe dont les tweets sont uniquement à visée humoristique :
« Michel Onfray mieux d’aller se coucher. Merci. Bonsoir. #ONPC » (@Jurneveles44, 00:12:23, 20/09/2015)
L’importance des affects
Un autre élément remarqué dans l’analyse des tweets est celui de l’importance des affects dans les tweets des internautes et sur le plateau de l’émission. En effet, la joute verbale à laquelle on assiste en plateau est très personnelle et les arguments échangés sont davantage liés aux personnalités d’Onfray et des chroniqueurs qu’à leurs idées politiques. Ce qui provoque des réactions d’agacement d’internautes semblables à celle-ci :
« RT @CelebornLegend: En fait les intervenants cherchent plus à coincer @michelonfray qu’à cerner sa pensée, c’est pénible…#ONPC » (@yannick2sousa, 01:00:08, 20/09/2015)
Ces critiques sont majoritairement tournées vers Yann Moix qui monopolise la parole et rend compliqué la poursuite du débat. De plus, avant même que commence l’émission, on observe sur Twitter de nombreux internautes qui s’expriment sur leur appréciation subjective de l’un ou l’autre chroniqueur et sur les invités. On note donc beaucoup de commentaires négatifs sur Yann Moix, nouvellement arrivé dans l’émission. Ces jugements vont se poursuivre tout au long de l’émission et devenir plus important lors du passage de Michel Onfray.
Ainsi, la grande majorité des tweets commentent la forme du débat, le ton des échanges, le comportement des chroniqueurs et invités. Très peu d’internautes vont donc donner leur avis sur le contenu même du débat qui traite pourtant de sujets importants comme la question du peuple et de l’intervention de l’Occident au Moyen-Orient.
Une recherche de soi
Tout cela nous a donc montré que Twitter n’est finalement pour le “peuple” ou les “twittos” qu’un média servant à exprimer leur propre avis ou le moyen de retrouver une communauté de personnes s’accordant et s’alignant sur ses paroles. Comme Patrice Flichy le présente dans son étude “Internet et le débat démocratique” (4) on a plus affaire à une réunion de personnalités ayant une pensée commune plutôt que de personnes. Twitter deviendrait donc un grand marché agrégateur (pour reprendre l’expression de Flichy) d’opinions que les internautes s’empresseront d’affirmer ou de réfuter. Twitter ne permet donc pas le débat non pas parce que l’information n’est pas ou mal diffusée mais plutôt parce que les individus ne cherchent pas à créer un débat mais simplement poser leur avis. On remarque donc très peu de réponses à des tweets ou de retweets commentés. A la différence d’autres émission cependant, il ne semble pas nécessaire de posséder des compétences politiques primaires pour comprendre ou commenter l’émission. Celle-ci finalement est plus une manière de voir des gens connus qui vont s’opposer et chercher à être le/la meilleur(e). On peut analyser cela comme une “recherche de soi” dans la réutilisation et l’approbation des avis existants sur le net (dans ce cas dans d’autres tweets) ou même de façon tout à fait originelle par les paroles que prononcent Michel Onfray. Laurence Allard et Frédéric Vandenbergue dans leur texte “Express Yourself ! Les “pages perso” (5) montre bien cette recherche de soi via autrui. Bien qu’ils parlent de cela via la conception de blogs, on peut le réutiliser ici en montrant que Twitter est d’ailleurs une autre ou nouvelle forme de blog et d’expression. La conception de Twitter en tant que blog peut s’analyser comme tel, comme espace d’expression de soi, de ses opinions parce que l’on retrouve largement cela sur Twitter. Via les avis qui y sont publiquement affichés, les individus vont affirmer et exprimer un avis pour définir leur “moi”. On peut d’ailleurs remettre en cause la légitimité de cette expression puisqu’elle est déjà limitée à un certain nombre de caractère ne permettant pas une expression totale : peut-être que ce manque d’information cache une connaissance du sujet limitée (et donc qui remettrait en cause la connaissance sur ce que dit Michel Onfray) ou qui obstrue le fait qu’une pensée pourrait être plus semblable à une autre ou plus modérée. L’authenticité et la véracité des propos dont parlent Laurence Allard et Frédéric Vandenbergue se retrouve ici. De plus, Twitter est un réseau social de l’instant et cette instantanéité des échanges s’intensifie lorsqu’ils sont en lien avec une émission de télévision par exemple. Ceci rend plus difficile les échanges construits et suivis d’arguments et limite donc la tenue d’un débat. Enfin, selon la conception de l’espace public d’Hannah Arendt (6), Twitter peut être envisagé comme un tel espace, à savoir une sphère publique où les internautes expriment leurs avis sans pour autant chercher à construire une réflexion collective dans le but de parvenir à un consensus. Ce sont ces expressions qui confèrent néanmoins à Twitter une dimension politique et citoyenne.
Une simple observation peut aussi se porter sur l’utilisation de mots communs dans les tweets. Certes les premiers mots les plus utilisés sont principalement ceux des hashtags ou des noms des journalistes. Nous avons observés deux nuages de mots comptant 50 et 500 mots :
Les premiers mots sont donc principalement “ONCP”, “ONFRAY”, “leasalame”, “michelonfray”, “moix”, “yann” : on voit bien grâce à cela que tout de suite c’est donc les noms des chroniqueurs qui apparaissent ce qui prouve que la tension du débat s’est très vite ressentie et que ce sont principalement ces interactions là qui ont été commentées et non les sujets évoqués. Ensuite les mots “débats”, “pensée”, “français”, “peuple”, “gauche” apparaissent plus clairement ce qui prouve qu’effectivement la question du parti politique et surtout celui de la gauche est mise en avant. En petit, mais visible on voit aussi apparaître le mot “migrants” ce qui montre le rapport avec l’article du figaro. Ensuite lorsque l’on augmente le nombre de mot, on voit très visiblement que deux mots ont pris de l’importance et sont donc plus gros dans le nuage : “migrants”, “français” et “peuple”. Un autre a apparu : “frdesouche” qui est le nom d’un compte d’extrême droite. Dans le nuage de 500 mots Les mots ont continué de grossir avec “migrants” qui est prépondérant ainsi que l’apparition de pen pour Marine Le Pen. Avec ces nuages de mot on note que le débat sur Twitter s’est orientée vers une vision nationaliste des sujets évoqués dans l’émission et dans l’article du Figaro (notion de peuple et crise migratoire). Ce qui montre par ailleurs que la communauté d’extrême droite est particulièrement réactive sur Twitter et peut donc réorienter les débats pour servir ses idées.
Cette étude s’est cependant heurtée à quelques limites. La première étant que le nombre de caractère limitait l’expression (même s’il est possible de s’exprimer via plusieurs tweets). On peut se demander si le débat et l’expression de son avis serait similaire sur Facebook. A priori, il semblerait que non, que les posts permettent une expression plus importante et développée sur Facebook. Il ne faut donc pas réduire l’impossibilité de débat sur tous les réseaux sociaux mais bien pour le moment seulement à Twitter. Ensuite, il est nécessaire de rappeler que “On n’est pas couché”, bien que se voulant émission de débat sérieuse joue beaucoup sur les personnalités politiques invitées (on peut penser à F. Phillipot par exemple). La qualité des débats sur les réseaux sociaux dépend donc surtout de la qualité du débat en plateau. Pour finir, lors de notre analyse de tweets, nous nous sommes heurtés à un problème évident qui était que puisque Nekfeu était l’un des invités, nous étions quelques fois submergés par des tweets concernant Nekfeu et les autres tweets évoquant le débat ou le sujet. Un effort de filtrage par mot-clés (ex : “#ONPC” + “peuple”) a donc été nécessaire et a donc aussi orienté les résultats obtenus.
Enfin, nous nous sommes donc demandé si le changement récent du nombre de caractères de Twitter (de 140 on passe à 280 caractères) pourrait amener une amélioration de la qualité du débat sur Twitter. Les internautes pourront peut-être y exprimer plus clairement et de manière plus développée leur opinion ? Nous pouvons néanmoins nous permettre une réserve quant à l’interaction entre les internautes qui resterait limitée.
Références :
(1) Article du 14/09/2015 répondant à l’article du Figaro (voir note suivante) en reprenant les points abordés dans l’interview. Dans son article L. Joffrin, cherche à démontrer, selon lui, l’absurdité des arguments de M. Onfray. http://www.liberation.fr/france/2015/09/14/en-reponse-a-michel-onfray_1382098
(2) Interview du Figaro du 11/09/2015 sur l’actualité de la crise migratoire. Cela survient durant la période où de nombreuses photos sont relayées dans la presse telle que celle de l’enfant kurde retrouvé mort sur une plage de Turquie. http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/09/10/31003-20150910ARTFIG00382-michel-onfray-on-criminalise-la-moindre-interrogation-sur-les-migrants.php
(3) Ce compte est actuellement suspendu.
(4) FLICHY Patrice [2008] “ Internet et le débat démocratique ” Réseaux 4 n°150 p 159-185
(5) ALLARD Laurence VANDERBERGUE Frédéric [2003] “ Express yourself ! les pages perso. Entre légitimation technopolitique de l’individualisme expressif et authenticité réflexive peer to peer” Réseaux 1 n°117 p 191-219.
(6) ARENDT Hannah [1958] Condition de l’Homme moderne, Paris, Calmann-Lévy Pocket, 1983.
Ina, archives Twitter
A l’étude de l’article de l’équipe 5bis, qui s’interroge sur la reconnaissance de Twitter comme un espace de débat politique, nous soulevons des hypothèses qui peuvent être pertinentes et nous voudrions développer certaines idées intéressantes évoquées dans l’article. D’autre part, nous voudrions aborder l’idée que ce n’est pas forcément le réseau lui-même qui doit être questionné, mais le choix de l’émission et du débat.
Pour commencer, on peut reprendre l’idée qu’aujourd’hui nous avons moins besoin de compétences requises pour faire partie du débat dû à l’accessibilité et facilité des réseaux sociaux. Tout individu ayant accès à internet possède la possibilité de réagir sur les questions qui l’intéressent. Cependant, « On n’est pas couché » étant une émission grand public, les utilisateurs sur cette plateforme numérique est plus importante que d’autres émissions qui sont plus politisé et qui mènerait à un débat plus diversifié. Même s’il serait intéressant d’étudier les réactions Twitter des émissions spécialisées sur les questions politiques, ces émissions-là dépendent moins des utilisateurs des réseaux sociaux, on ne verra donc pas beaucoup de réactions pertinentes sur ces supports.
Évoqué dans l’article de l’équipe, la « twittosphère » décide de réagir plutôt sur la personnalité d’Onfray au lieu d’enrichir le débat politique lui-même, ignorant complètement les enjeux du débat (orchestré peut-être par ONPC eux-mêmes, qui savent que l’invité fera du « buzz » dans les réseaux sociaux et mènera pas forcément à une discussion constructive entre les groupes différents). Ceci montre donc que l’invité est tourné en dérision, par le biais des intervenants. Dans le texte de Loïc Blondiaux sur « La démocratie participative »(1), l’auteur explique l’importance du débat qui mène toujours à un consensus de neutralité et de représentativité au sein des différents groupes. L’article du groupe 5bis soulève la diversité des groupes représentés au sein du débat sur Twitter, évoquant les partisans de gauche et d’extrême droite. Malgré la présence de ces groupes, les commentaires préfèrent se focaliser sur la forme du débat et non pas le contenu, ne menant pas à une variété de discussions sur la qualité du débat.
De plus, la notion « d’individualisme expressif » qu’évoquent Laurence Allard et Frédéric Vandenberghe dans leur article « Express yourself ! Les pages perso »(2) est d’autant plus pertinent dans ce cas. Même si l’article porte sur l’utilisation des blogs, nous pouvons observer que les comptes twitter ne sont finalement pas si différents. Chaque utilisateur construit une identité choisie via les commentaires, les « retweets » ainsi qu’avec leurs interactions avec les autres communautés du réseau. Les utilisateurs Twitter, regroupant donc une diversité de communautés différentes, peut théoriquement conduire à des débats intéressants.
En évoquant l’identité postmoderne, D. Kellner dit que c’est « un jeu librement choisi, une présentation théâtrale du moi, dans laquelle chacun est capable de se présenter dans une variété de rôles, d’images et d’activités »(3). Le numérique, les réseaux sociaux, est une façon de s’exprimer librement sur des débats choisis. Dans les médiums numériques, chaque individu peut construire une identité et c’est ce que nous remarquons dans l’étude de l’émission « On n’est pas couchés ». On peut conclure sur cette idée qu’il n’y a pas véritablement de raison que le débat ne soit pas intéressant par l’utilisation de Twitter, puisqu’on peut remarquer une diversité d’identités au sein des communautés différentes.
Le groupe 5bis évoque la limite de caractères dans les « tweetos », récemment augmentée de 140 à 280, et s’il mènera à un enrichissement du débat au sein de la « Twittosphère ». Twitter étant basé sur la réactivité, nous ne pensons pas que cette augmentation de la limite de caractères est liée à la qualité des commentaires. Taylor évoque que « Pour exprimer quelque chose, il faut le rendre manifeste dans un médium donné » (4). C’est cette idée-là qui mène à notre hypothèse importante, que ce sont les médias qui peuvent faire évoluer les débats. Puisque internet n’est pas un support simple ou un médium général, il possède plusieurs médiums qui regroupent des manières différentes des façons de s’exprimer et de s’identifier, comme si ces supports étaient des sous-médiums. Mais que dans l’utilisation « transmédia » (utilisation de supports et de médias différents), les différents médias utilisés sont intrinsèquement liés.
Les blogs, les réseaux sociaux, les façons de s’exprimer différemment (images, textes, vidéos), montre que chaque support donne des techniques différentes d’exprimer ses opinions. De plus, comme évoqué avant, ce sont de manière générale les émissions grand-public qui interagissent avec les utilisateurs de Twitter, ces émissions utilisant de techniques de communication et de relai d’informations plus générales. Le problème du débat et de la forme ne se pose donc peut-être pas simplement sur le réseau lui-même, mais sur le choix de l’émission et la pluralité des débats choisis, mettant en œuvre des oppositions intéressantes qui peuvent enrichir la démocratie. Il se peut qu’un jour la plateforme évoluera, où on verra naître des techniques différentes de s’exprimer qui mèneront à des débats politiques plus pertinents.
Nous revenons donc à cette idée que dans l’utilisation du « transmédia », les médiums différents sont liés. De ce fait, le public étudié de Twitter dépend de la qualité du débat de l’émission choisi. Si les discussions dans l’émission ne se focalisent pas sur la pluralité des idées politique, nous ne verrons pas par la suite une forme importante de débat sur le réseau social. Donc certes, le débat dépend du support lui-même et de son utilisation, mais d’autant plus de l’émission liée aussi, la forme du débat de « On n’est pas couchés » n’étant pas très pertinente.
Equipe 1bis: Jad LABBAN (Marine NOZERAND, Léna CONAN)
Références:
(1) BLONDIAUX Loïc (2007) “La démocratie participative, sous conditions et malgré tout”, Mouvements n°50.
(2) ALLARD Laurence VANDENBERGUE Frédéric (2003) “ Express yourself ! les pages perso. Entre légitimation technopolitique de l’individualisme expressif et authenticité réflexive peer to peer” Réseaux 1 n°117 p 191-219.
(3) KELLNER, 1992, p. 157-158.
(4) TAYLOR, 1999, p. 374
La problématique générale avancée dans votre réponse à notre article est que ce n’est pas forcément le réseau Twitter qui doit être questionné mais plutôt le choix de l’émission et du débat.
Tout d’abord nous pensons en effet que la qualité du débat télévisé va influencer également la qualité du débat sur Twitter même si cela dépend aussi de très nombreux facteurs.
Vous évoquez l’accessibilité au débat et le fait que l’émission choisie soit grand public et donc sujette à une importance activité sur Twitter contrairement à d’autres émissions. Ici, il serait nécessaire d’appuyer ces paroles avec une étude sociologique et des chiffres. Est-ce que véritablement dans d’autres émissions politiques plus “sérieuses” (ici on pourrait penser à l’émission “C’est dans l’air”) il n’y a que très peu d’internautes qui tweetent et débattent ? Ensuite il faudrait se demander ce que signifie finalement “l’accessibilité au débat” : si le sens est que le sujet abordé l’est de manière simple, on pourrait alors supposer que cela simplifierai le débat ou permettrait à tous d’apporter son argument. Dans le cas contraire, le débat ne sera accessible qu’à une partie de la population avec un capital culturel suffisant. Si le débat est simplifié, en y ajoutant de l’humour, de la légèreté et du “clash”, il peut aussi ne pas être pris au sérieux. On se retrouve alors dans le cas d’un débat-spectacle.
Ensuite, en t’appuyant sur les analyses de Blondiaux (1) sur la démocratie participative, vous rappelez qu’un des défauts de ce modèle est qu’il recherche et finit souvent par aboutir à un “consensus de neutralité et de représentativité”. En effet, bien que différents groupes soient identifiables (pro-Morano, anti-Morano, extrêmes droite…), ils convergent tous vers la critique de la forme du débat et non vers le fond. Nous avons défendu cet argument dans notre article et nous ne pouvons donc que l’appuyer.
La formation de groupes clairement identifiables produit un effet communautaire. Par exemple, un individu va insulter N. Morano, comme ses pairs anti-Morano, car il appartient à ce groupe et c’est sa façon de s’y identifier et c’est ce qui va montrer aux autres qu’il appartient à ce groupe. Mais ça n’améliore pas le débat car chacun campe sur sa position. Il y a des affrontements mais pas de construction collective. Nous pouvons nous référer ici au texte de Maud Vincent (2) car elle aboutit aux mêmes conclusion.
Finalement, ce qu’il a été intéressant de remarquer (ce dont parle Flichy (3)), c’est cette “solitude” amenant les internautes à la volonté de se trouver ou de rejoindre une communauté. Parfois, les individus trouvent un sens justement dans cette recherche communautaire en quittant même l’idée de s’intéresser au débat. Ce débat, nommé comme “accessible à tous”, devient donc via cette large accessibilité un prétexte pour l’internaute, pour certains membres de la twittosphère, qui vont donc pouvoir satisfaire un besoin de reconnaissance et d’admiration ou bien tout simplement se trouver le temps de quelques heures une communauté en accord avec leurs pensées. Via parfois l’anonymat de certains comptes, on voit même l’expression d’avis d’extrême droite qui s’imposent. On peut analyser ça comme le dépassement d’une censure ressentie dans l’espace public commun (soit dans la rue, avec nos amis, etc). Sur Twitter, ils peuvent exprimer leur avis sans crainte de se retrouver seuls, et au contrainte, on peut même observer des alliances. C’est donc un sentiment de puissance, de reconnaissance via l’écoute et comme une sorte de compassion, une impression d’être enfin entendu.
De plus, nous ne pouvons qu’être d’accord avec le fait que les médias sont liés et interagissent ensemble. Cependant il est nécessaire d’analyser cela avec les spécificités des médias en question. Ils ne permettent pas la même expression tout simplement parce qu’ils n’ont pas les mêmes caractéristiques techniques. Celles-ci sont plus que nécessairement à prendre en compte puisque ce sont elles qui vont d’une certaine manière définir la spécificité du débat. Du moins, ces caractéristiques cloisonnent le débat, elles vont lui donner les lignes directives, les contraintes et les limites d’expression. Dans ce cloisonnement et ces délimitations, le débat va prendre une tournure qui qualifiera le débat. Évidemment, la façon dont les internautes accapareront ces contraintes sera l’ultime influence/intervention qui mènera le débat de telle ou telle manière. Chaque caractéristique d’un média va être utilisé et appréhendé par les utilisateurs de façon tout à fait différente.
Se pose ensuite la question de l’évolution de Twitter. Comment alors, imaginer le futur de Twitter comme espace de débat ? Une des contraintes évoquées dans l’article était la limitation des caractères possibles pour la rédaction d’un tweet. La question que l’on peut donc se poser face à cette remarque est de se demander si l’augmentation double du nombre de caractère est une des évolutions de la plateforme qui pourrait permettre l’évolution du débat. Sinon, nous avons du mal à comprendre quel pourrait être l’évolution notable de Twitter, puisque ce média ne cherche pas à faire des “posts” (Facebook) mais plutôt des tweets qui expriment de manière directe une idée, une pensée. De plus, il faut aussi se demander, selon le sens de la phrase, si c’est bel et bien le média en lui même qui serait responsable de la non pertinence du débat. Selon nous, cette pertinence se joue plutôt du côté des utilisateurs qui, comme nous avons pu le voir à de nombreuses reprises avec Patrice Flichy, ne cherchent, en majorité, finalement qu’à exprimer leur avis sans chercher à faire évoluer voir même naître un débat.
Enfin, pour revenir à votre problématique initiale, comme nous l’avons vu précédemment, la qualité du débat sur Twitter dépends d’une multitude de choses : au premier abord, il dépend de la qualité du débat dans l’émission, de l’engagement des internautes ainsi que des contraintes entraînées par le média en lui même.
Cependant, il est nécessaire de se demander si le sujet du débat ne serait pas aussi à être étudié en lui même. Dans le cas du débat entre Michel Onfray et Yann Moix, il y a un réel débat d’idéologies, de pensées politiques et de questions de fonds et de forme concernant une interview et les réponses apportées à celle-ci par l’interviewé sur les journaux du Figaro et Libération. Dès le départ aucune neutralité n’est affirmée, au contraire, et il même évident que les internautes ne peuvent qu’arriver avec leurs préconçus. Maintenant on pourrait donc se demander si dans des émission encore une fois comme “C dans l’air” qui part non pas d’une question politique (bien que très vite le rapport se fait, inévitablement) mais bien plutôt d’une question d’actualité, d’une question d’ordre public, le débat peut se construire de façon plus intelligente. Comme dans une thèse, grâce à la grande diversité des experts aux avis variés invités sur le public, le téléspectateur verra la construction d’une “conclusion finale” qui se fera via ces différents avis. On ne cherche pas à comprendre un homme et sa pensée mais bien à comprendre une question qui pose problème en cherchant les tenants et aboutissants. Le sujet du débat peut donc être une des causes qui produira la qualité du débat. Ensuite, la façon dont va être orchestré ce débat, avec notamment la variété des personnes invitées et le nombre de celles-ci sont aussi des aspects à étudier.
Pour conclure, cette étude, entre réflexion théorique et étude du média, nous a mené à nous questionner sur les possibilités du débat sur Twitter. Elle nous a permis d’analyser ce média et d’apprécier les différentes formes d’expression suite à un débat médiatique d’une émission se voulant politique.
Références :
(1) BLONDIAUX Loïc (2007) “La démocratie participative, sous conditions et malgré tout”, Mouvements n°50.
(2) VINCENT Maud [2007] « La dégradation du débat public : le forum de l’émission « on ne peut pas plaire à tout le monde » « . Hermès 47 p99-106
(3) FLICHY Patrice [2008] “ Internet et le débat démocratique ” Réseaux 4 n°150 p 159-185
A l’étude de l’article de l’équipe 5bis, qui s’interroge sur la reconnaissance de Twitter comme un espace de débat politique, nous soulevons des hypothèses qui peuvent être pertinentes et nous voudrions développer certaines idées intéressantes évoquées dans l’article. D’autre part, nous voudrions aborder l’idée que ce n’est pas forcément le réseau lui-même qui doit être questionné, mais le choix de l’émission et du débat.
Pour commencer, on peut reprendre l’idée qu’aujourd’hui nous avons moins besoin de compétences requises pour faire partie du débat dû à l’accessibilité et facilité des réseaux sociaux. Tout individu ayant accès à internet possède la possibilité de réagir sur les questions qui l’intéressent. Cependant, « On n’est pas couché » étant une émission grand public, les utilisateurs sur cette plateforme numérique est plus importante que d’autres émissions qui sont plus politisé et qui mènerait à un débat plus diversifié. Même s’il serait intéressant d’étudier les réactions Twitter des émissions spécialisées sur les questions politiques, ces émissions-là dépendent moins des utilisateurs des réseaux sociaux, on ne verra donc pas beaucoup de réactions pertinentes sur ces supports.
Évoqué dans l’article de l’équipe, la « twittosphère » décide de réagir plutôt sur la personnalité d’Onfray au lieu d’enrichir le débat politique lui-même, ignorant complètement les enjeux du débat (orchestré peut-être par ONPC eux-mêmes, qui savent que l’invité fera du « buzz » dans les réseaux sociaux et mènera pas forcément à une discussion constructive entre les groupes différents). Ceci montre donc que l’invité est tourné en dérision, par le biais des intervenants. Dans le texte de Loïc Blondiaux sur « La démocratie participative »(1), l’auteur explique l’importance du débat qui mène toujours à un consensus de neutralité et de représentativité au sein des différents groupes. L’article du groupe 5bis soulève la diversité des groupes représentés au sein du débat sur Twitter, évoquant les partisans de gauche et d’extrême droite. Malgré la présence de ces groupes, les commentaires préfèrent se focaliser sur la forme du débat et non pas le contenu, ne menant pas à une variété de discussions sur la qualité du débat.
De plus, la notion « d’individualisme expressif » qu’évoquent Laurence Allard et Frédéric Vandenberghe dans leur article « Express yourself ! Les pages perso »(2) est d’autant plus pertinent dans ce cas. Même si l’article porte sur l’utilisation des blogs, nous pouvons observer que les comptes twitter ne sont finalement pas si différents. Chaque utilisateur construit une identité choisie via les commentaires, les « retweets » ainsi qu’avec leurs interactions avec les autres communautés du réseau. Les utilisateurs Twitter, regroupant donc une diversité de communautés différentes, peut théoriquement conduire à des débats intéressants.
En évoquant l’identité postmoderne, D. Kellner dit que c’est « un jeu librement choisi, une présentation théâtrale du moi, dans laquelle chacun est capable de se présenter dans une variété de rôles, d’images et d’activités »(3). Le numérique, les réseaux sociaux, est une façon de s’exprimer librement sur des débats choisis. Dans les médiums numériques, chaque individu peut construire une identité et c’est ce que nous remarquons dans l’étude de l’émission « On n’est pas couchés ». On peut conclure sur cette idée qu’il n’y a pas véritablement de raison que le débat ne soit pas intéressant par l’utilisation de Twitter, puisqu’on peut remarquer une diversité d’identités au sein des communautés différentes.
Le groupe 5bis évoque la limite de caractères dans les « tweetos », récemment augmentée de 140 à 280, et s’il mènera à un enrichissement du débat au sein de la « Twittosphère ». Twitter étant basé sur la réactivité, nous ne pensons pas que cette augmentation de la limite de caractères est liée à la qualité des commentaires. Taylor évoque que « Pour exprimer quelque chose, il faut le rendre manifeste dans un médium donné » (4). C’est cette idée-là qui mène à notre hypothèse importante, que ce sont les médias qui peuvent faire évoluer les débats. Puisque internet n’est pas un support simple ou un médium général, il possède plusieurs médiums qui regroupent des manières différentes des façons de s’exprimer et de s’identifier, comme si ces supports étaient des sous-médiums. Mais que dans l’utilisation « transmédia » (utilisation de supports et de médias différents), les différents médias utilisés sont intrinsèquement liés.
Les blogs, les réseaux sociaux, les façons de s’exprimer différemment (images, textes, vidéos), montre que chaque support donne des techniques différentes d’exprimer ses opinions. De plus, comme évoqué avant, ce sont de manière générale les émissions grand-public qui interagissent avec les utilisateurs de Twitter, ces émissions utilisant de techniques de communication et de relai d’informations plus générales. Le problème du débat et de la forme ne se pose donc peut-être pas simplement sur le réseau lui-même, mais sur le choix de l’émission et la pluralité des débats choisis, mettant en œuvre des oppositions intéressantes qui peuvent enrichir la démocratie. Il se peut qu’un jour la plateforme évoluera, où on verra naître des techniques différentes de s’exprimer qui mèneront à des débats politiques plus pertinents.
Nous revenons donc à cette idée que dans l’utilisation du « transmédia », les médiums différents sont liés. De ce fait, le public étudié de Twitter dépend de la qualité du débat de l’émission choisi. Si les discussions dans l’émission ne se focalisent pas sur la pluralité des idées politique, nous ne verrons pas par la suite une forme importante de débat sur le réseau social. Donc certes, le débat dépend du support lui-même et de son utilisation, mais d’autant plus de l’émission liée aussi, la forme du débat de « On n’est pas couchés » n’étant pas très pertinente.
Equipe 1bis: Jad LABBAN (Marine NOZERAND, Léna CONAN)
Références:
(1) BLONDIAUX Loïc (2007) “La démocratie participative, sous conditions et malgré tout”, Mouvements n°50.
(2) ALLARD Laurence VANDENBERGUE Frédéric (2003) “ Express yourself ! les pages perso. Entre légitimation technopolitique de l’individualisme expressif et authenticité réflexive peer to peer” Réseaux 1 n°117 p 191-219.
(3) KELLNER, 1992, p. 157-158.
(4) TAYLOR, 1999, p. 374