Des hauts et débats - Master Industries Culturelles - Université Paris 8

François-Xavier Bellamy, député européen pour le parti Les Républicains (libéral conservateur), était l’invité du talk-Show animé par Laurent Ruquier « On n’est pas couché » le 21 septembre 2019. Il a été interrogé sur sa position concernant la Procréation Médicalement Assistée (PMA)

François-Xavier Bellamy est un homme politique, professeur de philosophie, auteur et élu local. Il siège au parlement européen en faveur des Républicains et devient une personnalité médiatique par ses convictions personnelles contre l’IVG, le mariage pour tous et la PMA. Il est notamment un ancien militant de « la manif pour tous ». Pour lui, ces évolutions sociales franchissent « la dernière frontière avant le transhumanisme » déclare-t-il dans une tribune pour « Le Figaro ». Très actif sur son réseau social Twitter, il y évoque ses opinions personnelles sur les sujets d’actualité.

Diffusée tous les samedis soir sur France 2 (chaîne publique) à partir de 23h15, « On n’est pas couché » revient sur les temps forts de l’actualité et permet aux invités de débattre sur leurs points de vue. Durant cette émission, les chroniqueuses Adèle Van Reeth (philosophe) et Valérie Trierweiler (journaliste), puis Gérard Darmon (acteur), qui était invité, ont aussi participé au débat.

Durant l’émission, nous pouvons constater qu’il y a un franc désaccord entre François-Xavier Bellamy et les chroniqueuses/invités. En effet, ce dernier ne comprend pas l’utilité de la PMA, revient sur les termes du « transhumanisme » et déclare qu’il ne faut pas « faire intervenir la médecine sur des corps qui n’ont aucune pathologie ». L’ensemble du plateau exprime son désaccord avec ses idées et souligne notamment le flou que l’homme public maintient entre sa prise de position politique et sa prise de position personnelle.

Nous avons voulu nous intéresser aux réactions twitter vis-à-vis de cette émission qui provoque souvent des buzz autour de sujets controversés. Nous avons donc procédé à une recherche avec le logiciel de l’Inathèque. Nous avons observé les tweets datant du 21/09/19 au 23/09/19 puis, nous avons cherché les termes suivants : #onpc #pma #bellamy #onnestpascouché #darmon #ruquier #valerietrierweiler #adelevanreeth

Nous notons que les réactions Twitter se concentrent principalement sur le laps de temps de l’émission mais aussi sur le lendemain puisque les comptes People tels que « Voici » reprennent le clash Gérard Darmon versus François-Xavier Bellamy.

Enfin, nous pouvons remarquer qu’il y a beaucoup de tweets en faveur de François-Xavier Bellamy, qui est en « top mention« , et de dénigrement des chroniqueuses, de Ruquier et de l’émission à l’inverse de ce qui se produit sur le plateau.

Suite à ces constatations nous pouvons nous demander si le réseau social Twitter contribue-t-il à la continuation du manichéisme mis en place dans l’émission On n’est pas couché ?le manque de constructivité et l’absence d’échange ?

Le dispositif de Twitter, vecteur du manque d’échanges et de constructivité des propos

Le texte sur Twitter est soumis à un certain nombre de règles d’écriture et de mises en forme du discours. 240 caractères pour exprimer une idée : cette brièveté des Tweets accentue le risque d’un propos caricatural, d’un objet de débat duquel on aurait retiré toute la nuance. Cela empêche une réelle constructivité du propos et génère plus rapidement des polémiques. (Julliard et Bottini, 2017, 1). Ce dispositif encourage à ce que Julliard et Bottini décrivent comme une « relation de connivence entre les internautes partageant une même inspiration idéologique ». Il est renforcé par des outils comme les Hashtags et les Retweets qui encouragent un partage, vite court-circuité par la rapidité de l’utilisation qui se joue sur Twitter. Quiconque parcourt un fil Twitter sera poussé à participer en répondant soit par un Retweet, soit par une réponse directe pour montrer son approbation ou son désaccord, mais l’on ira rarement plus loin dans la discussion.

Twitter n’est finalement pas un lieu de débat, mais un « lieu d’expression public d’opinions privées qui sortent au grand jour » (Cervulle, 2015, 2). La plateforme met en avant des discours qui resteraient dans le champ privé. Ainsi, s’y confronteront des personnes qui ne les auraient pas entendus dans la vie réelle car on ne fréquente généralement que ceux qui partagent nos opinions. Cela favorise de fait l’opposition et la polémique

Twitter, culture du clash, de la polémique et de l’opposition

Dans une seconde partie, nous notons que les Tweets sont très peu construits et sont écrits spontanément après une émotion, un affect, ce qui n’aide pas la mise en place d’un débat. Cette culture du clash est notamment due à la mise en place des identités virtuelles (Flichy, 2008, 3). En effet, les pseudos vont encourager les utilisateurs à déclarer leurs points de vue les plus personnels et le désaccord envers autrui sous couvert d’être « anonyme ». De plus, nous avons pu remarquer que les comptes soutenant François-Xavier Bellamy contenaient très souvent l’émoji du drapeau français dans leur pseudo contre l’émoji « arc-en-ciel » symbolisant le drapeau LGBT pour ceux qui étaient contre.

A travers cet exemple de Tweet, nous remarquons d’une part l’emoji en pseudo, l’interpellation d’une personnalité publique que l’on ne peut pas forcément faire dans le réel et des propos haineux qui n’ont aucun rapport avec le contexte du débat. Ici l’anonymat sert clairement de défouloir et permet un champ d’égalité entre personnalité publique / utilisateur privé.

Aussi, Twitter est un lieu d’émergence des « buzz » et autres controverses (Mercier, 2015, 4). La plateforme numérique permet une « affirmation de soi » comme nous avons pu le voir dans le Tweet précédent mais sert aussi de « mobilisation sociale » puisque les utilisateurs peuvent se retrouver autour d’un même Hashtag. Ainsi nous pouvons analyser le Tweet ci-dessous incitant à la polémique grâce à des « procédés d’indignation » et sous le prétexte de l’anonymat ou « attaques ad hominem » (Mercier) :

On observe les mentions @onpcofficiel et @fxbellamy toujours afin d’interpeller les personnes concernées. Le vocabulaire utilisé est très familier et le point de vue n’est pas construit par des arguments. C’est comme si l’on n’avait pas besoin de justifier son avis, on l’exprime c’est tout.

Enfin, nous pouvons dire que les Tweets pour et contre François-Xavier Bellamy ne se répondent pas, ne s’entendent pas. Il y a donc une continuation du manichéisme de l’émission « On n’est pas couché ».

Puis, nous allons essayer de mieux comprendre la stratégie de communication Twitter de « On n’est pas couché ». En effet, durant l’émission a lieu des Live Tweets avec des extraits vidéo de l’émission qui ont pour but de faire réagir la communauté Twitter et donc obtenir un maximum de Retweet pour un maximum de visibilité sur le réseau. A travers ces Live Tweets, nous obtenons seulement le point de vue de « On n’est pas couché » qui met en scène un « Buzz ».

La création et continuation d’un entre-soi

Enfin, nous pouvons dire que les Tweets pour et contre François-Xavier Bellamy ne se répondent pas, ne s’entendent pas. Il y a donc une continuation du manichéisme de l’émission « On n’est pas couché ».

Cette opposition peut être expliquée grâce au concept des « espaces communautaires modernes » (Sennett, 1974, 5) qui permettent de fonder une « personnalité collective », c’est-à-dire que tout un groupe se constitue grâce à des idéologies similaires. Cela entraine par ailleurs, le rejet des autres et donc pas de dialogue possible entre ceux qui partagent les mêmes idées et les autres ; le pour et le contre.

Cependant dans les Tweets, on remarque un rééquilibrage par rapport à l’émission « on n’est pas couché » avec une forte présence de la droite qui semble, selon les propos sur Twitter, très absente sur le plateau de France 2.

En effet, les plateformes numériques telles que Twitter, permettent une grande liberté d’expression et donc de la subjectivité de chacun. Ainsi on peut se demander si ces plateformes ne serait pas l’occasion rêvée pour les groupes d’extrêmes droites d’inciter à la haine en partageant des propos controversés (Gimenez et Voirol, 2017, 6).

Dans ce Tweet, nous pouvons d’ores et déjà constater l’indignation de l’utilisateur envers l’émission « On n’est pas couché » qui n’aurait pas les mêmes opinions concernant la PMA. Puis, il n’hésite pas à donner des surnoms aux chroniqueuses Adèle Van Reeth et Valérie Trierweiler « les deux hyènes » et à Laurent Ruquier « ce crétin ». La personne a l’air véritablement en colère envers ceux qui ne sont pas du même avis que le sien. Ces propos ne sont pas du tout une invitation à débattre.

En conclusion, nous notons que les plateformes numériques permettent une grande liberté d’expression ce qui montre un rééquilibrage du débat de l’émission « On n’est pas couché » dans laquelle tous les invités et chroniqueurs semblaient en désaccord avec les propos de François-Xavier Bellamy. Cependant, cette même liberté d’expression ainsi que le format des posts (nombre de caractères, hashtags, mentions) ne favorisent pas forcément l’initiation d’un débat mais plutôt un manichéisme permanent et des propos non constructifs.

Bibliographie :

  1. « Entre informatique et sémiotique : Les conditions techno-méthodologiques d’une analyse de controverse sur Twitter », Virginie Julliard et Thomas Bottini, 2017
  2. « De la politique des identités à la politique des affects : communautés et controverses en ligne », Maxime Cervulle et Fred Pailler, 2015
  3. « Internet et le débat démocratique », Patrice Flichy, 2008
  4. « Twitter, espace politique, espace polémique. L’exemple des tweet-campagnes municipales en France », Arnaud Mercier, 2015
  5. « Les tyrannies de l’intimité », Richard Sennett, 1974
  6. « Les agitateurs de la toile : L’Internet des droites extrêmes », Elsa Gimenez et Olivier Voirol, 2017
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