Joan Farines, Maxence Guérin, Olivia Thiers
Le 2 décembre 2020 le magazine d’actualité 28 minutes présenté par Arte nous a offert un débat concernant la dette française dont l’augmentation a été significative à cause de la crise sanitaire qui continue d’impacter notre économie à ce jour.
Une augmentation s’élevant à 186 milliards d’euros en plus, c’est-à-dire une dette de 120% par rapport au PIB de 2020.
Cette augmentation a fait couler beaucoup d’encre sur les différents médias et des questions se posent depuis plusieurs années à savoir “une annulation de la dette est-elle possible? “ et “comment rembourser la dette ?”.
Ces questions donnent lieu à des débats chez les économistes qui se questionnent sur les conséquences de l’annulation d’une partie de la dette et sur les répercussions de cette augmentation sur les citoyens français.
Ce débat animé par Elisabeth Quin réunit deux intervenants :
Jézabel Couppey Soubeyran, économiste et maître de conférence à Paris 1 Panthéon-Sorbonne favorable à l’annulation d’une partie de la dette et Jean-Marc Daniel économiste, et professeur à l’ESCP, contre l’annulation d’une partie de la dette.
Bien que le titre de l’émission puisse sembler sortir de l’ordre du sensationnel « Dette: l’impossible remboursement » ce n’est pas le cas.Il est essentiel de préciser que ce sujet ne traite pas d’une polémique autour d’une personne et d’un évènement ponctuel mais d’une interrogation liée à une institution et ses rouages, ici L’Etat. Ce débat ne répond pas aux logiques du « buzz » ou de la polémique.Pour comprendre ce débat nous avons réalisé des recherches qui se basent sur les 863 commentaires qu’a accumulés ce débat sur la chaîne Youtube de 28 minutes entre le 2 décembre et 28 février.
Cette émission a suscité beaucoup de commentaires et c’est l’une des vidéos les plus regardées de l’émission avec 346 mille vues. Par comparaison la vidéo “ Police : la violence de trop – 28 Minutes – ARTE“ publiée le 30 novembre 2020 n’a réuni que 238 commentaires bien que ce soit un sujet qui ait été beaucoup plus médiatisé à la même période.
Avant de sélectionner un échantillon, nous avons décidé de lire tous les commentaires pour en tirer des tendances afin de pouvoir en capter toutes ses nuances. Nous allons voir que l’espace commentaire de cette vidéo est un lieu d’expression mais avec peu d’échanges. Les commentaires sont pour la plupart des monologues qui ont pour objet d’exprimer un avis.
Une bonne partie des commentaires faisaient l’objet d’une construction argumentative avec des données chiffrées, des informations techniques, ou nous renvoyait même à des liens hypertextes.
On peut se demander alors si cet espace public est de qualité et agit de manière bienveillante afin de prolonger le débat entendu dans l’émission.
Un espace public d’expression de points de vue
L’incommunication [Dominique Wolton] est la principale sociabilité observée, chacun préférant ne donner que son point de vue. Les internautes veulent exprimer leurs points de vue mais ne semblent pas enclins à échanger les uns avec les autres, ce qui ne permet pas de développer “l’intelligence collective” comme celle définie par Pierre Lévy.
Dans ces points de vue, on peut distinguer plusieurs catégories qui sont liées au sujet en lui-même, à savoir la dette, mais aussi sur la qualité de l’émission et de ces intervenants, des détails techniques avec des chiffres ainsi que des commentaires construits. Certains apportent leur point de vue qu’il soit en lien ou non avec le sujet comme pour laisser une marque de leur passage sur cet espace de discussions.
Le mot le plus cité dans les commentaires est le mot “dette”, répété 362 fois pour un total de 250 commentaires (29%)
En lisant l’ensemble de ces commentaires, les avis sont très partagés sans pour autant donner de solutions. Les explications données par les internautes peuvent être chiffrées. Certains proposent que la BCE rachète la dette pour ensuite l’annuler. Là où la nuance s’installe c’est qu’en fait il n’est pas question de savoir si l’on peut rembourser la dette ou non (sans oublier ceux qui pensent que la dette n’est qu’un outil d’asservissement ou qu’elle est imaginaire); c’est qu’il subsiste des doutes sur la capacité des politiques d’agir, pour diverses raisons qui peuvent être soit les pressions subies au niveau des banques (qui dit annulation de la dette dit perte des intérêts donc pertes de profit) soit par une question de volonté des politiques elle-même pour diverses raisons. Une chose est certaine, c’est que personne ne veut que cette dette soit subie par les travailleurs sachant que la pauvreté dans notre pays prend toujours de plus en plus de terrain.
Une interactivité entre internaute faible et conflictuelle
Les interactions qui sont les réponses d’internaute à internaute ne sont que faiblement représentées dans les commentaires. En effet, elles ne sont que de 123 sur 863, une grande majorité ne dépasse pas plus de 3 échanges consécutifs qui ne sont pas toutes en rapport avec le sujet de l’émission dans le sens où elles n’apportent pas de compléments d’informations techniques. Nous constatons que l’espace commentaire n’est pas un espace d’interactions et provoque très peu de réponses entre internautes. Les interactions sont pour la plupart conflictuelles, en témoigne cet échange entre deux internautes qui trouve son origine au sujet de la dette puis dérive au commentaire suivant sur le covid, puis sur l’intégrité de la personne (ici Jérémie Petit Basque):
Jérémie Petit basque Merci le gouvernement d’avoir créé cet dette. Vous créez le caos chaque année. Et fabriquer l’argent pour remboursé la dette que l’on en parle plus.HACKED HACKED Oui c’est très bien mais par exemple yaurai eu absolument aucune aide pour le covid tu aurais dit quoi ??? Sûrement tu aurais été le premier à hurler je suis prêt à parier
Jérémie Petit basque @HACKED HACKED pour info je fais parti des personnes vulnérable je dois me protéger et personnellement je ne m’arrête pas de vivre. Et je ne me ferai pas vacciné. Donc l’histoire du covid c’est pas à nous de payer la dette lorsque le gouvernement aurait pu gérer correctement des le début. ?? HACKED HACKED @Jérémie Petit basque non mais oui d’accord ça c’est ton problème Et oui le gouvernement aurai pu mieux gérer (c’est très facile de dire ça a notre place aussi.. et moi le premier surtout au début) mais un confinement était obligatoire faut pas se voiler la face pour stopper ça sauf que les gens ensuite était tout sauf responsable donc bon voilà ou on en est mtn aussi pareil faut pas se leurrer et je répète si l’état avec le confinement avait donner aucune aide tu aurais été le premier à hurler […]bah non ca marche pas comme ça la vie Et tu aurais voulu qui fassent quoi le gouv pour mieux gérer comme tu dis ???
Jérémie Petit basque@HACKED HACKED oui chez moi ont hurle sauf moi malheureusement je travaille pas je suis en invalidité […] Maintenant concernant le covid ils auraient du confiné des les premiers jours de contamination et interdire les vacances de cet été et ensuite que chaque magasin prenne un vigile qui assure le flux de clients et l’économie n’en serait pas autant dans la galère.
Jérémie Petit basque@HACKED HACKED et j’ai oublié la galère je l’ai connu car ancien sdf.
HACKED HACKED @Jérémie Petit basque […] Oui peut etre mais ta vu tu parles de confinement donc des travailleurs en moins donc ils faut les aidés donc on sort des thunes exceptionellement donc il va falloir les recuperer cest tout Et puis a qui la faute (meme si ya a redire du gouv forcement absolument personne est parfait) avec tout les gens irresponsable premier confinement ca y es les gens on laché la pressions sauf que cest parti en steak donc mtn cest 2x pire et ca va faire que continué car les gens sont abruti cest tout et preferent crier a la dictature […] cest toujours la faute de l’autre […] donc on sen sortira jamais ou dans 5 ans minimum cest garantie ca
Jérémie Petit basque@HACKED HACKED partielle et pour info ont ne par jamais en vacances car faute de moyens
HACKED HACKED @Jérémie Petit basque ok[…] Et tu m’as dit que tu était sdf je m’en fout très bien si tu t’en es sortie mais RIEN avoir ici avec le sujet, tu veux que je te plaigne c’est ça ? Et pareil pour les vacances mdrrr j’ai dit « même si ça paye pas les vacances à puhket » c’est une image une expression garçon, donc entre ça et sdf c’est carrément hors sujet, ça a rien à faire ici dans la discutions, tu veux que je plaigne au fond c’est clairement ça […]
Jérémie Petit basque@HACKED HACKED ta mauvaise humeur tu te la garde OK je t’expliquer comment nous voyons les choses maintenant reste à ta place et passe de bonnes fêtes de fin d’année
La bienveillance est tellement rare qu’elle peut même en étonner les rédacteurs de commentaires:
“Piet Dessinateur@Anthony martin un échange cordial dans une vidéo sur un sujet politique je… Incroyable. Désolé j’ai pas l’habitude :D.”
Cela laisse à croire que les utilisateurs savent qu’a priori cette plateforme est un espace naturellement conflictuel. On peut avancer sans hésiter que les réseaux sociaux et ce que Arnaud Mercier a étudié sur Twitter peut être transposé aussi sur Youtube qui sont des terrains où la “transgression des conventions” est monnaie courante. Le caractère asynchrone et la distanciation des individus permet plus de liberté d’expressions pouvant mener à des dérives.
Un espace critique entre défiance et indignation
On peut trouver des similitudes avec la plateforme Twitter quand on observe le débat qui a lieu dans l’espace commentaires. Les insultes sont présentes, les indignations, les remarques engagées et les théories complotistes souvent liées à un discours d’extrême droite, comme le montre l’article d’Arnaud Mercier “Twitter, espace politique, espace polémique”.
Dans l’ensemble nous observons une défiance envers la politique en général, les banques, les économistes en témoigne le commentaire de Marouane Abouayad :
“Mr Macron,le premier président français fanfaron et constipé !!Est ce parce qu’il est maladroitement conseillé ou parce qu’il n’en faut qu’à sa tête et son carré restreint composé de novices parachuté par les centres de la haute finance néolibérale bornés et impopulaires!!Bref des technos crispés !!!???”
Les commentaires rassemblent beaucoup de plaintes envers différents acteurs, notamment les banques et les hommes politiques. Ils expriment un sentiment d’injustice et dénoncent une manipulation.
ou encore celui d’un autre internaute :
-“Vous devriez inviter directement Geoffroy de Bésieux du Medef et pas son garde chasse Jean-Marc Daniel qui serait bien inspiré de troquer son déguisement d’économiste par une belle livrée de valet de pied…Quand ferez-vous un débat sur la dette qui pose les vrais problèmes à savoir la dette privée ?”
changi68 -“Depuis mars je dis que les confinements ont pour but de profiter aux banques … Ça se confirme. Les banques vont maintenant faire la razzia sur tous nos actifs …”
Cette défiance envers la haute classe politique, les banques est très présente et certaines de ces indignations n’ont même aucun lien avec le sujet dont traite la vidéo (immigration, post-colonialisme, religion). Ces commentaires sont significatifs d’une envie d’attaquer les classes politiques et de choquer sans forcément entrer dans le débat. Ces commentaires ne donnent pas lieu à un échange, ils sont isolés et unidirectionnels, comme s’ils étaient exprimés sans attendre de réponses, pour justement ne pas avoir à en débattre.
– John Lock: “tous ces prix Nobel en carton qui n’ont jamais rien réglé depuis + de 40 ans Le problème ,c’est ce système usuraire sans fin qui asservit les nations”
On peut rapprocher ce phénomène de ce qu’il se fait beaucoup sur Twitter lorsqu’il s’agit de politique par exemple.
Pour certains la vérité nous serait complètement cachée. Certains vont même jusqu’à affirmer que la dette n’existe pas. Ces commentaires ferment la possibilité de débattre car en affirmant que la dette n’est qu’un mensonge cela permet à ces internautes de ne pas avoir à s’expliquer car de toute façon tout ce qui est dit est faux. Ces commentaires sont lancés sans attendre un point de vue différent. Il est très difficile dans ce cas de parler de débat car aucun argument ne peut changer l’opinion de l’individu qui s’exprime.
-RG4life“La dette imaginaire !”
-Co C:”Mensonge comme toujours”
La situation sanitaire actuelle alimente les théories complotistes qui affirment que le covid est un coup monté permettant aux états d’asservir les populations, réduire les libertés et enrichir les banques. Cette méfiance et la perte de confiance envers les institutions est visible dans ces commentaires.
Souvent ces arguments complotistes ne dépassent pas plus d’une phrase et sont totalement dénués d’arguments pour affirmer leur théorie. Comme pour essayer d’affirmer que tout le monde se trompe sans avoir à apporter de justifications.
-Deroussiaux Didier “Pensez vous que tous est fait pour déclencher, doucement une guerre mondiale préparer volontairement, inconsciament et iresponsablement. Tel est la réalité ‼️ ‼️ ‼️ ‼️ ‼️ ‼️”
Comme nous le montre cette étude réalisée par opinionway pour SciencesPo, les français expriment une méfiance envers les différentes institutions.
D’après le sondage réalisé en 2020 seulement 13% des français auraient confiance envers les partis politiques et seulement 35% envers les banques. On peut penser que l’espace commentaire de Youtube est un espace d’expression plus qu’un espace de débat.
Baromètre de la confiance politique février 2020 par OpinionWay
Analyse d’un échantillon: confirmation des tendances observées
Graphique des profils les plus actifs dans l’espace commentaire de l’échantillon
Proportion Interactions / Commentaires isolés
Sur 322 commentaires, nous avons 209 personnes qui ont commenté une seule fois et 34 qui ont commenté plus d’une fois. Elles sont composées soit d’interactions, soit de commentaires isolés.
34 personnes ont commenté plus d’une fois pour un total générant 113 commentaires ce qui représente plus d’un tiers des commentaires rédigé par 14% du panel total.
1/3 des commentaires des rédigés par 14% de notre panel.
L’analyse des commentaires nous a permis de comprendre que c’était un espace d’expression mais pas réellement d’échange. En effet, nous avons noté une forte tendance à la publication de commentaires pour exprimer son avis, ses théories, son interprétation et ses solutions. Cependant les échanges entre internautes sont relativement minoritaires. Chacun dit ce qu’il a à dire mais il n’y a pas réellement d’écoute ou de dialogue. Le caractère numérique de cet espace permet aux internautes une critique qui parfois peut être violente sous couvert de la distanciation. Cet outil de communication donne une certaine liberté de parole. L’espace commentaire de Youtube est donc » communicationnel » mais pas “conversationnel” (Maud Vincent, 2007).
Bibliographie et sources:
- Maud Vincent, La dégradation du débat public: le forum de l’émission “on ne peut pas plaire à tout le monde” 2007
- Arnaud Mercier, Twitter, espace politique, espace polémique, l’exemple des tweet-campagnes municipales en France (janviers-mars 2014), 2015
- Pierre Levy, L’intelligence collective: pour une anthropologie du cyberespace Sociétés2003/1 (no 79), pages 105 à 122
- Dominque Wolton, Incommunication et altérité, Hermès la Revue 2014/1 (n°68], pages 212 à 217
- Baromètre de la confiance politique. (2020, février). Consulté le 15 mars 2021, à l’adresse https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/OpinionWay%20pour%20l
Tout d’abord, nous vous remercions pour la qualité de l’article, qui nous permet d’en savoir un peu plus sur ce sujet d’actualité et ouvre un débat de société important. Votre analyse des commentaires de cette émission est très pertinente et suscite le débat sur l’expression des points de vue dans l’espace public, en particulier dans l’espace de commentaires YouTube.
Pour contribuer à votre analyse, il nous semble important d’introduire dans la conversation la redéfinition de l’acteur politique, dont parle Etienne Tassin, car elle nous rappelle que les citoyens agissent politiquement en s’engageant et en participant aux affaires de la cité : «De la conception arendtienne de l’action et de l’espace public, il y a une conséquence importante. Puisque l’acteur politique, le citoyen, naît de et par ses actions, aucun autre titre n’est, en théorie, requis pour être citoyen que celui d’acteur, c’est-à-dire aucun autre titre que le fait d’agir politiquement, de s’engager et de s’exposer sur la scène publique des actions pour ce qui concerne les affaires de la cité». Nous pensons que ce débat en est un exemple, puisqu’il traite de la dette française dont l’augmentation a été importante en raison de la crise sanitaire qui continue d’affecter notre économie à ce jour. Autrement dit, il traite d’une controverse liée à une institution d’intérêt commun, l’État, qui devrait clairement inciter les citoyens « acteurs politiques » à participer.
D’autre part, il faudrait souligner qu’aujourd’hui les réseaux sociaux sont utilisés comme des technologies politiques, permettant une participation citoyenne active qui a évidemment libéré une grande spontanéité, comme l’explique Arnaud Mercier : « Chez les citoyens la spontanéité associée à l’expressivité de soi ouvre la voie à un relâchement du contrôle social dans l’interaction avec autrui et ouvre un espace d’expression substitutif ». Cette «expressivité de soi », c’est ce qui permet finalement d’exprimer librement son intimité, ses goûts et sa personnalité, sans censure, même au risque de l’impudeur. C’est peut-être pour cette raison, comme vous l’avez cité dans votre article, que l’on trouve des discussions qui finissent par faire allusion à des choses personnelles et qui s’écartent du sujet débattu.
Enfin, après avoir mis ces notions en discussion, nous aimerions vous poser quelques questions sur votre analyse des commentaires. Pourriez-vous expliquer pourquoi, si elle est l’une des vidéos les plus vues de l’émission avec 346 mille vues, elle n’a pas déclenché un débat plus profond parmi les internautes ? Si ces acteurs veulent seulement donner leurs idées et non plus tenter une « intelligence collective », est-ce qu’alors ces espaces de commentaires ne pourraient pas par devenir le lieu idéal pour débattre ? Puis, d’après vous, les gens profitent-ils de la virtualité pour attaquer et non pour construire ?
Merci beaucoup pour votre commentaire. Votre intervention est réellement intéressante. Elle nous permet d’approfondir encore l’analyse des commentaires sur la vidéo du débat de 28 minutes.
Par ailleurs, il est certain que vos questions ouvrent des réflexions très pertinentes. Nous allons tenter d’y répondre.
Pourriez-vous expliquer pourquoi, si elle est l’une des vidéos les plus vues de l’émission avec 346 mille vues, elle n’a pas déclenché un débat plus profond parmi les internautes ?
Vous avez raison lorsque vous dites que ce débat “traite d’une controverse liée à une institution d’intérêt commun, l’État, qui devrait clairement inciter les citoyens « acteurs politiques » à participer.”
Il est judicieux d’évoquer les travaux de E.Tassin, il introduit en effet le rôle du citoyen ainsi que sa volonté d’implication pour le bien être de la cité. Le sujet du remboursement de la dette a suscité une forte expression des internautes car elle touche précisément un point d’intérêt commun.
Cette vidéo a également suscité un fort engouement, de par la qualité du débat.
On note d’ailleurs de nombreux commentaires Youtube qui félicitent le débat pour sa qualité.
Avec un grand nombre de commentaires exposant une argumentation assez construite, il paraît tout à fait légitime de se questionner sur la profondeur du débat. On pourrait imaginer des discussions avec les différents profils intervenants. Mais en réalité les interactions étaient assez superficielles.
Les internautes s’expriment pour émettre un point de vue mais il ne semble pas enclin à échanger.
On peut expliquer cette tendance avec les travaux de Kaufman.
Selon ce sociologue, le fait de s’exprimer sur l’espace public médiatique répondrait à un besoin de construire son identité numérique. Le fait de publier sur un espace public numérique ferait en quelque sorte exister l’internaute. L’impulsion de commenter semble répondre à un désir d’apparaître en société, à une logique individualiste. Donc pas réellement à participer au bon fonctionnement de la cité.
Les internautes ne semblent pas se sentir impliqués dans le débat.
Finalement, comme ils ne discutent pas ensemble, ils ne développent pas d’intelligence collective.
Si ces acteurs veulent seulement donner leurs idées et non plus tenter une « intelligence collective », est-ce qu’alors ces espaces de commentaires ne pourraient pas par devenir le lieu idéal pour débattre ?
On pourrait penser que ces espaces de commentaires pourraient devenir le lieu idéal pour débattre.
Mais pour débattre il faut de la communication au moins deux interlocuteurs qui s’écoutent mutuellement et qui se répondent. Or on observe que les internautes ne veulent pas échanger. Ils se contentent de donner un point de vue plus ou moins argumentatif mais ne restent pas ouvert au
débat, ils ne veulent pas réellement débattre.
Le nombre considérable de profils peut d’une part expliquer la trop faible implication des acteurs. Le suivi de la discussion devient relativement compliqué vu le nombre de commentaires et de profils. On remarque que chaque internaute “campe sur sa position”.
Puis, d’après vous, les gens profitent-ils de la virtualité pour attaquer et non pour construire ?
Nous sommes assez d’accord avec votre constat, et celui d’ Arnaud Mercier que vous partagez “ : « Chez les citoyens la spontanéité associée à l’expressivité de soi ouvre la voie à un relâchement du contrôle social dans l’interaction avec autrui et ouvre un espace d’expression substitutif ». Cette «expressivité de soi », c’est ce qui permet finalement d’exprimer librement son intimité, ses goûts et sa personnalité, sans censure, même au risque de l’impudeur.”
La construction demande une coopération de tous, des échanges.
Or on voit bien que les échanges sont très rares dans les nombreux commentaires publiés.
Joan Farines, Maxence Guérin, Olivia Thiers