Le débat sur le port du voile dans l’espace public n’est pas nouveau. Au même titre que les nombreux sujets sur la place de l’Islam en France, cette question est plus que présente au sein de la sphère médiatique. La question du port du voile au sein de l’espace public a récemment refait surface en octobre de cette année, après qu’une femme voilée ait-été prise à partie par un élu RN lors d’une sortie scolaire au Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté.
Si cette affaire a permis de voir que la question du voile divise l’opinion publique comme bien d’autres débats qui touchent la laïcité, la particularité de celui-ci est que, sur un total de 85 débats mobilisant presque 300 intervenants, aucun n’a jamais accueilli de femme voilée.
L’émission L’heure des pros du 21 octobre 2019 vient briser cette dynamique ostracisante en invitant la jeune auto-entrepreneuse Sara El Attar sur son plateau, autour du sujet « Faut-il interdire le voile dans l’espace public ? ».
L’heure des pros est un talk-show quotidien présenté par Pascal Praud sur CNEWS. Ancien journaliste sportif, Pascal Praud est souvent pointé du doigt pour son manque de rigueur journalistique et sa propension à partager clairement son avis. Néanmoins dans le cadre de ce sujet polémique, il n’est pas le seul à manquer de tact puisque ce débat a tendance à se transformer en procès d’intention dont Sara El Attar ne peut s’acquitter. L’émission dont le titre même donne l’image idéaliste d’un symposium, semble en réalité prendre un ton plus emphatique. Cette observation nous amène donc à nous demander si ce débat télévisé à l’apparence ordinaire, ne s’est pas métamorphosé en diffusion d’un procès national ?
Frontière poreuse entre débat et procès.
Dès le début de sa présentation, Sara El Attar dit regretter que le débat sur le port du voile ait été pendant trop longtemps un procès par contumace, et qu’elle souhaiterait profiter de sa présence pour ouvrir l’invitation à d’autres femmes voilées. Cette intention n’est pas vraiment prise en compte par les 7 intervenants autour de la table puisque finalement, elle fait elle-même office d’accusée par le jury de Praud, qui profite non pas de sa présence pour ouvrir le débat, mais pour personnifier le pan de la société dont il est question ici, celui les femmes voilées.
Sara El Attar n’a plus vraiment d’identité, elle représente un groupe. D’ailleurs, sa présentation est extrêmement succincte, Pascal Praud lui pose en premier lieu la question de son emploi dans l’entreprise Alcatel, avant de rajouter sans attendre la fin de la réponse de Sara El Attar, « Vous avez compris le sens de ma question, quand vous travailliez chez Alcatel, vous portiez le voile ? ». La jeune femme a tout juste le temps de dire son prénom qu’on lui fait comprendre quelle est son utilité dans le débat. Sara El Attar est rendue presque responsable des tournures du débat sur le voile par Elizabeth Lévi, qui l’accuse, elle, au nom de toutes les femmes voilées, de ne pas accepter que la question du voile dérange les moeurs françaises. Sara El Attar est, aux yeux des intervenants, la métonymie des femmes voilées, voir la métonymie de la religion musulmane en France.
Dans le cadre de cette émission, parler de débat est chose délicate. Le débat renvoie certes à la forme de l’émission qui est un talk-show, où chacun des interlocuteurs écoute l’autre tout en se trouvant dans une démarche persuasive lorsque son temps de parole arrive. Néanmoins, si l’on étudie la structure d’interactions 1 de ce débat, on remarque qu’elle est très particulière car il n’existe aucune cohésion, aucune connexion entre Sara El Attar et le reste des intervenants de ce débat. La structure d’interactions est à sens unique.
Chacun a son mot à dire, mais presque essentiellement envers Sara El Attar. Pascal Praud tente d’organiser son débat sous une forme de tour de table, chacun pouvant à son tour poser une question ou répondre à Sara El Attar. Les échanges extérieurs à ce schéma discursif sont très rares et ils sont surtout à sens unique. Chacun peut poser une question à Sara El Attar, à laquelle elle est tenue de répondre, mais les autres peuvent se passer de répondre à ses questions : Sara El Attar – J’aimerais vous poser à mon tour une question, […] pourquoi est-ce que ça dérange ? Elisabeth Lévi – […] Je vous répondrai quand je pourrai […] plus tard.
Les échanges les plus récurrents mais aussi les plus animés sont ceux entre les deux seules intervenantes féminines de ce débat. Il est intéressant de voir que, pour un débat qui avoisine celui de l’émancipation des femmes, l’opposition la plus marquée se fait entre deux personnes de ce même sexe. Du côté d’Elisabeth Lévi, le ton est principalement accusateur, et c’est grâce au calme et à la patience de Sara El Attar que l’on évite de peu le pugilat. De fait, sur le temps total du débat qui est de 25 minutes, les deux femmes cumulent à elles seules 15 minutes de temps de parole ce qui représente plus de la moitié du temps, bien que ce débat comporte 6 autres intervenants.
En gardant la structure d’un procès, bien que Pascal Praud semble être le requérant, c’est finalement Elisabeth Lévi qui est la partie accusatrice qui écroue Sara El Attar sous ses réflexions. Sa gestuelle est très démonstrative envers Sara El Attar et ses arguments ont tendances à utiliser la présence de la jeune femme pour exprimer des généralités. Elle et Pascal Praud font appel à des « témoins », des tiers appartenants au groupe religieux de Sara El Attar, qu’ils citent en tant qu’argument d’autorité censé rendre la défense de cette dernière incohérente et impertinente, « Khaleb bencheikh dit cependant, […] qui préside la fondation pour l’Islam de France, qui est un érudit de l’Islam, je pense que vous en convenez… ».
En analysant la forme du débat, on voit bien qu’il est pour chacun question non pas d’exprimer un point de vue mais de défendre ardemment une opinion que l’on juge inéluctable. Un débat est réellement productif lorsque que plusieurs personnes avancent des arguments similaires et se complètent, face à un autre groupe d’opposition. Ici, à part un bref moment de soutien venant de Frédéric Durant, Sara El Attar est seule à défendre son point de vue qui est sans cesse diminué et infantilisé. Il n’y a pas de remise en question et aucun autre invité en dehors de Sara ne cherche à comprendre le point de vue des autres. Elisabeth Lévi va par exemple insister à plusieurs reprises sur le fait que Sara el Attar doit nécessairement changer d’opinion : “Vous devez accepter” et “Vous devez comprendre”.
Le débat sur le voile souligne le besoin d’une re-définition de la laïcité et de sa position sur les limites de l’espace public.
Le débat sur le voile demande à faire émerger une nouvelle conception de l’intimité : l’idée de l’espace public est celui non pas d’un simple espace de circulation où les gens sont marqués par leur apparence sociale mais plutôt un espace où circulent des personnalités. 2 Sara El Attar ne le dit pas clairement mais elle essaye de faire comprendre que cette volonté de la laïcité à gommer les différences religieuses à une certaine propension à diviser plutôt que rassembler. Cela ne prend pas en compte les besoins et les désirs de chacun. C’est pourquoi il est problématique de voir qu’Elisabeth Lévi demande à Sara El Attar d’accepter que son mode de vie lui pose problème. Sara El Attar dit d’ailleurs que le voile ne heurte pas toute la population française, mais elle lui dit, « Le voile vous heurte personnellement ».
Ce nouvel espace public laïque que l’on tente de définir n’est pas clair sur les frontières personnelles. La distinction entre ce qui est de l’ordre public et ce qui est de l’ordre privé est mis à mal.
En pensant à cette ambiguïté, Sara El Attar revient sur le changement de sens du mot “laïcité” : elle précise que c’est la loi qui régit la laïcité, elle rappelle la définition de la laïcité et l’importance de ne pas déranger l’ordre public. Elle illustre donc la laïcité comme étant “l’art de vivre ensemble” . Néanmoins, les nombreux débats sur le voile, et la division de l’opinion publique quant à la question de la religion musulmane en France sont des arguments contraires à l’idéal d’une grande communauté française et laïque. Sara El Attar accuse les chroniqueurs de l’émission et la sphère médiatique en général, de prôner ce qu’elle appelle « un laïcisme » à travers la question du voile et sa place bien trop exagérée à la une des informations. Sur cet argument, elle est suivie par Frédéric Durant qui tente de conceptualiser ce problème en avançant des données numériques souvent passées sous silence : « Aujourd’hui c’est 6 millions, à peu près, de musulmans dans notre pays. Ça veut dire qu’il y a 61 millions de non-musulmans dans notre pays, parce que vu la proportion médiatique que prennent les choses, on a presque l’impression que c’est l’inverse ».
Sara El Attar souligne que la laïcité en France, utilisée dans les mains des médias, se transforme plus en argument de combat contre la religion musulmane que comme une loi visant à rendre égalitaires et privées toutes les religions. On parle beaucoup de la présence de la religion musulmane en France comme étant en désaccord avec la nature laïque du pays, mais on ne parle jamais des traditions chrétiennes dans cette même optique. Le voile semble déranger par sa présence dans l’espace public, mais les crèches de Noël dans les mairies et les écoles, qui sont toutes deux des instances publiques et laïques sont acceptées au titre de la « tradition culturelle ». Sara El Attar met en lumière une ambiguïté effacée de la sphère médiatique, comme si une sorte de tabou circulait dans l’opinion publique.
La tentative de Sara El Attar de faire naître un débat autour de cette question est vaine. L’émission de Praud est faite de telle sorte que son propre point de vue et celui de ses intervenants habituels, soit celui qui ressorte vainqueur du débat. Le débat n’est pas égalitaire, et il est surtout très restreint 3: Lorsque Sara El Attar tente de parler de l’ambiguïté de la république face à son attachement notoire pour des traditions chrétiennes, en montrant à quel point cela est en désaccord avec la laïcité, presque la totalité des intervenants s’insurgent en disant que cela n’est pas comparable, que les traditions sont les traditions et le débat meurt aussitôt, « La crèche ce n’est pas religieux c’est culturel, et c’est ce que dit le Conseil d’Etat madame […] et c’est normal madame puisque l’Histoire de France passe par la crèche ». On peut donc se demander si la forte polarisation du débat n’est pas, en soi, contraire à cet exercice rhétorique.
Le débat/procès mis en scène dans l’émission l’heure des pros, est une représentation très concrète et réaliste de la dimension polémique autour de la question du voile dans l’espace public. Que l’on pense que cela soit en désaccord avec la laïcité ou simplement que la question demande une justification de la part de femmes voilées, cette émission met en lumière toutes les ambiguïtés et les aspérités du sujet. Bien que l’invitée Sara El Attar passe la majeure partie de l’émission à se défendre, à rendre des comptes quant à son choix de porter le voile, elle réussit néanmoins à souligner un problème de définition et de partialité à propos de la laïcité en France.
Notes
1. Maud VINCENT, La dégradation du débat public : le forum de l’émission “on ne peut pas plaire à tout le monde”, Hermès 47 p.99-106, 2007.2. Richard SENETT, Les tyrannies de l’intimité, Seuil, Paris, 1979.
3. Gilles GAUTHIER, L’Analyse du contenu des débats politiques télévisés, Université de Laval, Québec, 1995.
L’Heure des Pros – Emission du 21/10/2019 en Replay sur YouTube
Lorsque nous lisons votre article, nous ne pouvons que souligner la pertinence de votre analyse faite sur la mise en place et l’engouement autour de ce débat télévisuel, mais également sur le rôle que chaque acteur ici présent occupe. Il s’agit ici d’un énième débat sur le port du voile dans l’espace public suite à une récente polémique. Effectivement, ce qui apporte une plus-value à ce débat est la présence sur le plateau de Sara El Attar, marquant ainsi la première intervention d’une femme concernée, c’est-à-dire une personne voilée, au sein de ce débat sur le port du voile. Vous avez également su mettre en avant la volonté de Sara El Attar de créer un débat concret sur la place qu’occupe la laïcité et son envie de la redéfinir correctement.
Néanmoins, votre approche du discours tenu par Sara El Attar reste malgré lui survolé, donnant lieu à une observation plutôt qu’une analyse. Cette dernière aurait pu s’accompagner par ailleurs d’une analyse de la représentation des minorités culturelles et religieuses dans un cadre télévisuel. La force des propos et de l’aisance verbale dont l’intervenante fait preuve prouve le besoin que la télévision a d’avoir ces représentations ethniques, alors même que nous constatons l’écart entre ces dernières, maintenus depuis des années. Ainsi, il aurait été intéressant d’imager vos propos en vous basant sur des faits de société et grâce à des auteurs ayant étudiés le sujet de la représentation des minorités. Par exemple, nous pouvons nous attarder sur le fait que ces minorités sont doublement pénalisées “au niveau de la représentation, souvent simpliste et stéréotypée, ainsi qu’au niveau de la représentativité, c’est-à-dire de l’accès aux médias des individus” comme le montre Magali Nayrac. Cela explique que la présence de Sara El Attar, ou plus succinctement d’une femme voilée, sur un plateau télévisé est un fait remarquable de par sa rareté ; mais on y voit également les raisons du fait que le discours tenu par cette dernière ne soit pas écouté voire respecté par les autres intervenants, dont l’objectif est d’aller à son encontre, tel un procès comme vous l’avez mentionné. Ces propos se vérifient lorsque l’on observe la manière dont Pascal Praud évite les questions de Sara El Attar en ne prenant pas part au débat, en l’assignant ou tout simplement en détournant ses questions. Nous pouvons le constater quand ce dernier lui demande sur un ton identique à celui employé lors d’un jugement criminel : “quand vous travailliez chez Alcatel, vous portiez le voile ?”
En conséquent, l’absence de représentation et de représentativité des minorités à la télévision maintient ces dernières dans un système stéréotypé, où on ne les laisse pas prendre la parole – si ce n’est que pour les stigmatiser d’autant plus.
Nous pouvons créer un parallèle avec le parcours de Rokhaya Diallo, figure militante de l’antiracisme dans l’espace médiatique. En effet, Rokhaya Diallo mène un combat contre les dérives racistes dans la société et les formes de discrimination que l’on peut entendre au détour d’une blague, d’un préjugé ou d’un compliment maladroit trahissant un racisme ordinaire. On peut ainsi évoquer la question de l’importance de la parité et des représentations de figures non-blanches qui faisait lieu au début des années 2000 et tend aujourd’hui à devenir de moins en moins primordiale pour de nombreux médias. C’est d’ailleurs ce qu’entend une nouvelle fois Magali Nayrac lorsqu’elle évoque un “retard français dans la représentation médiatique des groupes minoritaires”.
De plus, lorsque nous observons les interventions de cette minorité dans l’espace médiatique, celles-ci se font le plus souvent piétiner par les acteurs adverses pour des raisons très souvent d’ordre moral personnel. C’est d’ailleurs ce que Sara El Attar démontre dans ce débat lorsqu’elle affirme “le voile vous heurte personnellement” en faveur d’Elisabeth Lévi. Nous pouvons alors nous poser la question des risques de cette absence volontaire de représentation et du fait que “cette absence de reconnaissance peut se traduire comme une forme de racisme” comme l’évoque Catherine Ghosn et ce malgré plusieurs initiatives de mesures législatives visant à améliorer la représentation des diversités. Nous pouvons prendre l’exemple de la loi sur l’égalité des chances, datant de 2006, permettant de lutter contre les discriminations à la télévision. A l’égal de ce qui est observé dans ce débat, il est rare que des personnes concernées par un sujet puissent jouir de la possibilité de défendre leurs droits ou ne serait-ce que d’avoir la possibilité de débattre en faveur des libertés individuelles de chacun. La définition de la laïcité se trouve désormais erronée et complexe à définir et ce parce que chacun souhaite adapter ce terme à ses propres intérêts moraux.
Pour conclure, il est enrichissant d’avoir fait le choix de s’intéresser à un sujet de société comme celui-ci et des controverses qui l’entourent. La seule remarque négative à retenir est qu’il se base davantage sur l’observation des faits que sur des éléments factuels qui viendraient expliquer ces procès télévisés.
Bibliographie :
Magali Nayrac, « La question de la représentation des minorités dans les médias, ou le champ médiatique comme révélateur d’enjeux sociopolitiques contemporains », Cahiers de l’Urmis [En ligne], 13 octobre 2011.
Catherine Ghosn, “Minorités ethniques et télévision : quel constat en France et à l’étranger ? Comparaison sélective”, 2013/1 n° 14/1 | pages 51 à 61.
Bonsoir Constance, merci pour votre commentaire et vos remarques concernant cet article.
Pour répondre à votre souhait d’y voir une analyse sur la représentation des minorités culturelles et ethniques, il aurait en effet fallu faire une enquête et des statistiques sur la représentation des minorités sur la scène médiatique et lors des débats. Néanmoins, même si cette analyse aurait été plus qu’intéressante, elle n’aurait pas été pertinente dans le cas de Sara El Attar. Bien que la communauté musulmane ne représente que 4 millions de personnes sur les 67 millions que comptent la France, il ne s’agit pas vraiment d’une minorité ethnique et culturelle, en fonction des régions la répartition des minorités n’est pas la même, de plus il est compliqué de définir musulmans, certaines statistiques englobent les personnes musulmanes mais athées, le terme musulman étant alors considéré comme une catégorie « néo-ethnique ». Les problèmes de représentativités dans les médias français va plus loin que la représentation des communautés ou des minorités puisque les médias montrent une France à part sur leurs plateaux. 84% de la population vit en dehors de la région Ile de France mais ce sont des parisiens de types caucasiens en majorité qui sont montrés à la télévision, envoyant aux oubliettes la diversité de la population du bassin parisien mais aussi et surtout toute la diversité de la population française. C’est aussi ce que reprochent les gilets jaunes lorsqu’ils revendiquent une nouvelle façon de traiter l’information qu’ils jugent trop parisienne et traitée par une classe trop aisée pour être représentative de la population française. Ce n’est donc pas un nouveau débat.
Dans le cas de cette émission, Sara El Attar incarne la population musulmane et plus précisément, les femmes musulmanes qui choisissent de porter le voile. Bien que sa présence soit un progrès pour le débat sur le voile, une seule personne ne peut pas représenter toute une partie de la communauté musulmane. Je pense sincèrement qu’il aurait été plus judicieux pour rééquilibrer ce débat et l’enrichir d’accueillir plusieurs musulmans sur le plateau, des femmes et des hommes de confession musulmane pour avoir plusieurs points de vu et argumentaires sur le sujet du port du voile. Cela aurait de plus peut être permis à Sara de voir son discours plus écouté et plus respecté comme vous l’avez souligné.
Le vrai débat que vous soulevé réside dans l’accès aux médias et donc à un lieu d’espace public où le débat est supposé être possible par des individus qui n’y sont que peu présents au quotidien. Il ne nous viendrait pas à l’idée de parler d’un sujet avec des gens totalement indifférents ou exclu des problématiques de ce sujet, et pourtant lorsqu’il s’agit du débat sur le voile ou sur l’Islam en général, les principaux intéressés n’étant pas ou peu présents dans le monde télévisé au quotidien, il nous semble normal d’inviter des journalistes ou polémistes comme Elisabeth Lévy pour parler d’un sujet qui ne les concernent pas directement. Malgré les lois passées pour améliorer la représentativité d’une population française très multiculturelle à la télévision, celle-ci reste un média peu représentatifs des réalités sociales du pays. Je suis tout à fait d’accord avec vous sur le fait que l’absence de représentation et de représentativité des minorités à la télévision, si vous souhaitez inclure les musulmans dans le terme « minorité » dont il n’existe pas de définition qui fasse consensus, maintien ces dernièrs dans un système stéréotypé, où on ne les laisse pas prendre la parole, si ce n’est que pour les stigmatiser d’autant plus, comme vous l’avez si justement expliqué. Il est vrai qu’une mise en perspective de notre article dans le contexte politique et social de la télévision en France aurait ajouté de la profondeur, néanmoins, notre objectif premier était d’analyser une scène de débat en individuel afin de ne pas généraliser à toutes les émissions télévisées, certaines ayant surement déjà permis une forme de débat plus tangible. Ici, l’heure des pros se présentant comme une émission de débat sur l’actualité « mettant en exergue des sujets éclectiques avec des spécialistes, experts et éditorialistes », il nous semblait judicieux d’observer comment se déroulait un débat dans ce contexte censé le rendre productif.
1. Chiffres utilisés : 11 millions de personnes en Ile de France dont seulement 2 millions à Paris sur 70 millions d’habitants en France. Source : http://www.grand-paris.jll.fr/fr/paris/demographie/
Bibliographie :
Article « Qu’est-ce qu’une minorité », sur la plateforme d’information Humanrights.ch, catégorie définition, mis à jour le 21 novembre 2019, https://www.humanrights.ch/fr/dossiers-droits-humains/droits-des-minorites/definitions/minorite
Macé Éric, « Mesurer les effets de l’ethnoracialisation dans les programmes de télévision : limites et apports de l’approche quantitative de la « diversité » », Réseaux, 2009/5 (n° 157-158), p. 233-265. DOI : 10.3917/res.157.0233. URL : https://www.cairn.info/revue-reseaux-2009-5-page-233.htm
Catherine Ghosn, « Représentation de la diversité à la télévision française : à partir de quelles normes ? », Sciences de la société, 81 | 2010, 27-43.
Magali Nayrac, « La question de la représentation des minorités dans les médias, ou le champ médiatique comme révélateur d’enjeux sociopolitiques contemporains », Cahiers de l’Urmis [En ligne], 13 octobre 2011.