Pour Patrice Flichy, Internet a modifié l’espace public en permettant aux citoyens d’accéder directement et facilement à la démocratie. L’ère d’internet amenait avec elle des espoirs de pluralité et de diversité des informations et des opinions, une véritable agora des temps modernes ouverte à tou●te●s. Mais cette utopie démocratique est-elle réelle ou est-ce qu’Internet, et plus précisément Twitter ne créerait-il pas un effet de mimétisme des opinions ? La portée politique du débat public est au coeur des questionnements sur les réseaux sociaux. Le 10 février 2017, la chaîne TMC a diffusé dans son émission « Quotidien » un reportage dans lequel l’un de ses journalistes phares, Hugo Clément, se confronte à des militants de François Fillon. Dans ce même reportage, l’un des militants interviewés en vient à comparer l’acharnement médiatique dont François Fillon est selon lui la victime à la dénonciation et la déportation des Juifs vers Auschwitz.
Le jour de la diffusion de cette émission, on constate à 20h16 un pic de tweets contenant le hashtag #Quotidien — 81 tweets archivés par l’INA — et entre 20h11 et 20h19 plus d’une centaine de tweets contenant à la fois le hashtag #Quotidien et le mot-clé Fillon. Cette séquence de l’émission a donc poussé les spectateurs●trices à s’exprimer sur les réseaux sociaux notamment au travers de plusieurs hashtag tels que #Fillon ; #FillonGate ; #lol ; #JeSuisCanardEnchainé en mentionnant parfois l’émission elle-même ainsi que le journaliste Hugo Clément. Mais s’il y a quelque chose qui est marquant dans cette sélection de tweet, c’est l’opinion unanime qui semble s’en dégager. En effet, dans la centaine de tweets étudiés par nos soins, on voit apparaître des insultes envers les militants du candidat des Républicains, du soutien pour le journaliste de Quotidien et une véritable incrédulité par rapports à la comparaison faites avec l’Holocauste. Mais dans cette marée de soutien envers Hugo Clément on ne voit presque qu’aucun tweet défendant le candidat François Fillon et ses soutiens.
Et si cette séquence pousse les gens à s’exprimer sur le sujet, ils semblent tous être partiaux à Quotidien. Le tweet du compte officiel de l’émission partageant cette séquence a été retweeté 11 795 fois et les plus de 1 200 réponses à ce même tweet ne sont qu’une vague de soutien à Hugo Clément. Les soutiens à François Fillon sont noyés dans cette masse de soutien envers l’émission et complètement ignoré. S’il y a quelque chose de marquant dans cette situation, c’est bel et bien le manque de débat sur ce sujet. Les tweets attaquant directement les soutiens de François Fillon —et non le candidat lui-même— ne suscitent ni réaction, ni réplique. Cela suffit à donner un contre exemple à Patrice Flichy qui pose les débats sur internet comme un outil de progrès démocratique. Quotidien et ses journalistes nous offrent quant à eux un modèle d’homophilie où les conversations se font entre personnes du même avis. Des conversations qui n’apportent rien en terme de débat et ne permettent en aucun cas une confrontation d’opinions différentes, donc si le sociologue nous parlait d’un espace sur le web où les communautés pourraient échanger et participer à la construction de la démocratie, il n’avait pas pris en compte la nuance apportée par Armand Mattelart dans son idéologie du ‘village mondial’ : la diffusion sur internet est favorisée par les attentes que l’on en a. Et les soutiens de François Fillon, qui seraient ici les plus à même à débattre avec la communauté de Quotidien, ont d’ores et déjà fait savoir leur avis sur les médias : un massacre. Ce manque de réaction sur Twitter serait-il dû à un fossé générationnel, et donc, à une divergence des utilisations des réseaux sociaux ? Nous nous sommes demandés si le débat aurait été présent sur la plateforme Facebook, par exemple.
Le FillonGate a créé un véritable clivage entre les partisans du candidat des Républicains et les médias (allant des journalistes jusqu’aux réseaux sociaux qui ont lancé la campagne « François Fillon Rends L’argent ». Ce clivage peut être perçu comme l’une des raisons de l’absence de réponse des soutiens de François Fillon sur le sujet, comment une communauté qui rejette les méthodes des médias pourrait-elle se défendre à travers ceux-la même ? Armand Mattelart, plaçait sa théorie du ‘village mondial’ dans une logique de domination idéologique. C’est exactement la logique des interactions autour de la séquence de Quotidien. Hugo Clément est directement positionné en tant que martyr, il devient le porte parole des médias et le symbole de la résistance contre ‘l’obscurantisme’ des soutiens de François Fillon tels qu’ils sont représentés dans la séquence. La mention de l’Holocauste agit comme un trigger pour le public, un appel à la révolte orchestré par Quotidien. L’émission est suivie par un public jeune et présent sur les réseaux sociaux, si l’on s’attarde sur les comptes affichant leur soutien à Quotidien et à Hugo Clément, ils ressemblent tous à celui-ci :
Des utilisateurs jeunes, de tous genres, usant de réaction gif et d’emoji afin d’exprimer leur désaccord. Ils affichent leurs affiliations politiques et sociales dans leurs biographies Twitter et correspondent au public visé par l’émission. Mais même dans les tweets soutenant et promouvant l’émission, aucune conversation ne se crée. Si le tweet de Quotidien fut retweeté un grand nombre de fois, ceux adressant la séquence ne connaissent que peu d’interactions.
Patrice Flichy et Armand Mattelart s’accordent sur le fait que la démocratie repose sur la pluralité des informations et des opinions. Or, dans le débat opposant Quotidien à François Fillon, seulement l’une des deux parties fit entendre sa voix. Internet peut être un outil très utile pour le développement de la démocratie seulement si chacun fait entendre sa voix et que l’autre est prêt à écouter. Mais dans notre cas étudié, non seulement le débat est inexistant, mais il n’en découle aucune conversation. Les utilisateurs de Twitter ne semblent pas échanger entre eux, ils partagent leur avis mais ne répondent pas à celui de leurs congénères, et ce même si leur contenu est similaire. Chacun imite et répète l’opinion de l’autre sous différentes formes, sans réellement entamer une discussion sur le sujet.
Afin de trouver un véritable débat sur cette situation, nous avons étudié les mentions de François Fillon à la date de la diffusion de l’émission.
Et même après pas moins de 70 mentions en l’espace d’une heure, toutes dénonçant le comportement de ses militants, il n’y a toujours aucune réponse aux soutiens de Quotidien. A l’inverse, les mentions de Hugo Clément se remplissent d’un élan de soutien face à l’apprends calme du journaliste dans la vidéo publiée par Quotidien. Malgré la persistance des spectateurs de Quotidien s’indignant sur la séquence, ils n’auront aucune réponse de l’opposition.
Cette situation met en lumière les dérives de l’utilisation de Twitter comme outil démocratique. Si le réseau social participe à la libération de la parole, il n’en est pas pour autant instigateur de débat constructif. L’émission que nous avons étudiée avait un clair but politique, elle suivait le traitement médiatique d’un candidat à l’élection présidentielle. Mais le manque de réponse de soutiens de François Fillon nous amène à penser que tout le monde n’est pas équitablement représenté sur le réseau social. Lors des élections présidentielles de 2017, Twitter fut le berceau du mouvement des Insoumis et des partisans du Front National, une campagne de #RendsLArgent fut même lancée à but politique et humoristique sur le réseau afin de moquer toutes les mises en examen des politiciens. Mais cela nous rappelle que certaines communautés ont une voix plus forte que les autres. Dans cette situation, Quotidien prit le dessus sur François Fillion uniquement parce que ses soutiens n’étaient pas assez présents sur le réseau social, ou même que l’extrait de l’émission n’est pas parvenu jusqu’à eux.
Sur Twitter, pour se créer un fil d’actualité, il faut s’abonner à des comptes. Peu de gens cherchent à s’abonner à des comptes dont les opinions divergent des leurs, chaque utilisateur créera donc sa propre communauté avec des opinions similaires à la sienne et ne sera donc pas confronté à des opinions différentes. Or pour créer un véritable débat constructif, il faut mettre en opposition des opinions variées et différentes, ce qui n’est que trop peu le cas pour l’émission du 10 février de Quotidien.
Si Internet doit être un lieu de débat et de partage afin de promouvoir le progrès démocratique, il devrait être un outil mettant en relation des avis opposées et des informations variées afin de pouvoir nourrir des débats et des conversations entre les citoyens et utilisateurs. Sur ce cas précis aucun débat n’a pu être recensé sur Twitter, mais est-ce là la faute de la plateforme ? Ou peut-être que la comparaison à Auschwitz était simplement trop choquante pour les deux partis. Cependant le lourd silence de François Fillon et ses soutiens (ne serait-ce que pour se détacher de ces propos choquants) peut être lui aussi porteur d’un message, ce silence pourrait très bien être perçu comme un accord silencieux à ces propos par l’absence de dénonciation.
Textes de référence :
- Internet et le débat démocratique, Patrice Flichy
- La globalisation de la surveillance, Armand Mattelart
- Tweet Quotidien
- Tweet Exemple
Marine Nozerand, Jad Labban & Léna Conan
Cet article présente un certain paradoxe démocratique à l’œuvre sur Twitter. Un réseau social étant un vecteur de liberté d’expression, on pourrait considérer qu’il se doit d’être un lieu de débats et d’échanges égalitaires selon les bases démocratiques définies pour l’espace public, notamment par le philosophe Jürgen Habermas. Or, à travers ce cas d’étude, on remarque que Twitter s’avérerait au contraire être un média assez creux dans ses capacités de débat, avec un soutien absolu envers Quotidien et un silence total de la part des soutiens de l’ « accusé » François Fillon. On peut très justement se demander quelles sont les raisons de cette absence de réactions, et pourquoi on ne peut pas réellement parler de débat.
La notion de « trigger », illustrée par la capture d’écran du tweet de « Azor Ahai », est très intéressante. L’émission Quotidien cherche à susciter des réactions en utilisant des propos choquants d’un militant lambda, sans affiliation directe avec François Fillon. Et devant de tels propos, la réaction la plus spontanée du public est d’incendier tout ce qui est en rapport avec l’homme politique. La notion du « modèle d’homophilie » est très pertinente et est une critique très juste de l’émission. Celle-ci ne chercherait pas à lancer un débat d’idées mais au contraire à trouver un consensus dès le départ, en n’exposant que ce qui est indéfendable, en ne montrant que le pire.
Ce cas d’étude illustre parfaitement l’idée d’un « village mondial » qui entrerait en conflit avec la définition d’une démocratie plus accessible grâce à Internet et présentée par Patrice Flichy. En effet, dans la conception participative et délibérative de la démocratie, l’échange égalitaire, le débat et le droit à la défense sont des piliers majeurs. Ainsi, le réseau Twitter, avec ses réactions basées sur le mimétisme et son effet « bulles de filtre », est-il réellement un gage d’avancement et d’évolution dans l’espace public moderne ? Cela nous rappelle l’auteur Cass Sunstein pour qui le débat démocratique doit se faire dans un parc ou tout autre espace publique dans lequel on est confronté à des opinions différentes des nôtres. Cette confrontation, si elle est peu agréable, serait nécessaire pour créer un espace de débats légitime qui ne tomberait pas dans le radicalisme le plus extrême. Twitter, en ayant tendance à connecter des personnes ayant les mêmes opinions politiques, n’atteindrait donc pas cet idéal de sphère publique où les discussions seraient rationnelles et authentiques. On peut aussi rappeler que Patrice Flichy, même s’il est très optimiste quant au potentiel démocratique d’Internet, reconnait lui-même qu’il y a un risque de « monologues interactifs ».
La question de la « victimisation » de Quotidien est aussi justement placée. En effet, l’émission joue beaucoup sur cet étalement de l’actualité politique, mis en scène en sa faveur et ridiculisant des personnages, des partis et des soutiens politiques, sans leur donner la possibilité de se défendre. Quotidien se fait alors le chantre de tous les publics, en osant dénoncer des situations et des propos politiques abusifs. Mais l’émission oscille entre quête de vérité et manipulation des faits afin de ne se diriger que dans un sens. En découle l’absence totale de place laissée au débat, aux arguments rationnels et à la défense (ou non) des accusé-e-s, sur le plateau comme sur les réseaux sociaux.
L’article dénonce également l’utilisation assez légère des réseaux sociaux comme Twitter par les jeunes. Les tweets sont partagés à outrance et accompagnés de légendes ou de montages photos/vidéos humoristiques. Malgré cet « amusement » constant, le jeune public reste néanmoins très fidèle à ses inspirations et à ses convictions. En effet, même si le débat n’est pas relancé et alimenté, les publications s’enchaînent et sont la preuve d’une allégeance toute particulière envers Quotidien et ses journalistes. On peut également souligner le fait que si ce jeune public s’identifie et s’attache à cette émission, c’est aussi parce que l’icône et l’essence même de cette émission, Yann Barthès (43 ans), est une réelle inspiration pour la jeunesse médiatique. Lui et son équipe de jeunes journalistes (20 – 35 ans) traitent l’information sous le prisme de l’humour, tout comme leur public le fait avec Twitter.
L’article parle également d’un « fossé générationnel », enjeu important au regard de la position d’Hannah Arendt pour qui l’échange trans-générationnel dans la sphère publique est essentiel. Or, Twitter est une plateforme qui est surtout utilisée par les jeunes : selon le portail de statistiques Statista, 33% des utilisateurs ont entre 16 et 24 ans et 26% entre 24 et 36 ans. Ce public s’avère aussi être le principal public de Quotidien (18-35 ans) ; il sera donc très à mème de réagir sur Twitter. De plus, François Fillon séduit en général des électeurs plus âgés, qui ne représentent qu’un faible pourcentage des utilisateurs de Twitter. Ainsi quand le journal Les Échos propose de passer au crible les votes du premier tours des élections présidentielles 2017, il note que « le candidat des Républicains fait la course en tête chez les électeurs les plus âgés (65 ans et plus) avec 40,6% » et qu’il ne séduit que 15% des lycéens. Et ce sont Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon qui sont les plus populaires chez les jeunes : ils « sont […] au coude-à-coude dans la tranche d’âge 18-25 ans avec respectivement 25,7 % et 24,6 % des voix. » Par ailleurs, s’il est vrai que les soutiens de la France Insoumise se sont montrés très actifs sur les réseaux sociaux, via Twitter mais aussi Youtube ou le forum de discussions Discord, on a moins remarqué les militant-e-s Républicains. La question de la fracture technologique et de la pratique des réseaux sociaux qui diffère selon sa couleur politique soulève un point important : comment Internet peut-il être démocratique lorsqu’on observe de telles disparités dans la participation aux médias ? Ainsi pour le psychologue et philosophe John Dewey la conversation est le fondement de la démocratie, et cela suppose des conditions égales d’accès au débat. Ces conditions pourraient donc être faussées dès le départ.
Aussi, peut-être peut-on se demander si la majorité des militant-e-s pro-Fillon pensent que l’ « acharnement médiatique » dont leur candidat a été victime soit comparable au traitement des Juifs lorsqu’ils ont été déportés. Certain-e-s également ont dû voir dans ces paroles une instrumentalisation du drame de la Seconde Guerre mondiale, ou au minimum une comparaison hasardeuse ou « maladresse » de l’un des leurs. Il serait intéressant de se pencher sur d’autres séquences pour voir si cette absence quasi-totale de débat sur Twitter est due à l’effet « bulle de filtres », au fossé générationnel entre les deux parties ou au fait qu’on ne peut pas toujours défendre l’indéfendable – ne nourrissant les « arguments » que d’un seul côté, en l’occurrence celui d’Hugo Clément.
Nous faisons suite à votre commentaire à propos de notre article « Twitter est-il une plateforme de débat ou un outil d’homogénéisation des opinions ? »
Nous nous sommes appuyés sur les auteurs Patrice Flichy et Armand Mattelart afin de développer notre pensée à propos des réactions suscitées par l’émission Quotidien, et plus particulièrement l’extrait du rassemblement pro-Fillon. Les notions du modèle « d’homophilie » et du « village mondial » d’Armand Mattelart nous semblaient effectivement les plus à même à représenter notre problématique et la réponse que nous avons voulu y apporter.
Votre questionnement « Ainsi, le réseau Twitter, avec ses réactions basées sur le mimétisme et l’acharnement entre groupes sociaux et publiques semblables, est-il réellement un gage d’avancement et d’évolution dans l’espace public moderne ? » est une bonne manière de reformuler notre problématique en incluant les termes d’avancement et d’évolution. Comme nous l’avons développé dans notre article, nous doutons que le non-débat sur Twitter suite à l’extrait de Quotidien étudié ne soit le meilleur exemple pour répondre à une telle question. Pour constater d’un certain avancement dans la démocratie et pouvoir répondre à cette problématique, il serait plus adapté d’étudier une ou plusieurs conversations Twitter ayant provoqué un débat. Nous avons pu, par exemple, discuter du compte Twitter officiel de Donald Trump, qui ne cesse de faire réagir ses opposants, qui à leur tour sont confrontés aux soutiens du Président américain. On peut donc réfléchir à la dimension internationale du débat démocratique sur Twitter : se manifesterait-il de façons différentes si l’on observait des comptes de différentes nationalités ?
La référence à Cass Sunstein et son ouvrage Republic.com est également pertinente. Il s’agirait donc d’une rencontre entre personnes éclectiques, présentant des avis divergents. Mais ce cas, nous pourrions nous référer directement à la confrontation entre Hugo Clément et l’homme interrogé qui maintient sa comparaison de l’acharnement contre la famille Fillon avec le massacre d’Auschwitz. Si Hugo Clément n’affirme pas clairement son opinion personnelle, il semble évident que celui-ci n’est pas en accord avec l’homme. Leurs deux avis sont donc en opposition, mais pourtant, la discussion semble plutôt tomber dans l’irrationalité et un « monologue interactif, » du moins de la part de l’homme interrogé par le journaliste.
Pour revenir à notre article et notre référence quant à Patrice Flichy et sa vision relativement positive de l’apport d’internet au débat démocratique, nous n’avons pas mentionné sa vision également nuancée dans son ouvrage Internet et le débat démocratique. En effet, Patrice Flichy mentionne ces « monologues interactifs » en reprenant Michaël Dumoulin. Il fait plutôt référence à « une multiplication de points de vue contradictoires. » Dans notre article, nous avons constaté qu’il ne s’agit finalement pas de divers opinions mais d’une seule et unique voix qui semblait s’élever de la part de l’ensemble des utilisateurs. Mais nous ne pouvons nier que Patrice Flichy tente d’apporter un discours nuancé quant au débat démocratique sur Internet et affirme qu’il ne peut pas toujours y avoir une confrontation d’opinions. Dans son ouvrage La démocratie 2.0, il développe sa critique quant à un « Espace public morcelé » : « Par contre, l’échange argumenté est loin d’être toujours la règle. Dans les forums, on a tendance à affirmer plus qu’à démontrer. Sur les blogs, les commentaires des internautes sont succincts, exagérément critiques ou laudatifs. »
Comme vous l’avez indiqué, il est vrai que le jeune public de Quotidien se reconnaît dans l’émission car ceux qui la tiennent leur ressemblent. Quotidien est une émission qui se démarque par sa légèreté et dérision dans le traitement des informations et c’est également un acteur très présent sur les réseaux sociaux. Leur stratégie de communication s’adresse clairement à un public jeune. Ce « fossé générationnel » peut aussi être illustré par la récente confrontation entre Thierry Ardisson et le youtubeur Squeezie invité sur le plateau « Salut Les Terriens. » Celui-ci est critiqué par le présentateur qui insinue que les « jeunes » ne regardent plus la télévision car c’est un « média de vieux. » S’il s’adresse plutôt aux adolescents dans ce cas, il y a tout de même une stigmatisation de la jeunesse française qui aurait perdu leur confiance en la télévision et se tournerait plutôt vers Internet. (Ironiquement, on peut retrouver l’extrait de cette confrontation sur le compte Youtube de Salut Les Terriens : https://www.youtube.com/watch?v=QmpWE_SODZA) Les propos tenus par Thierry Ardisson, impliquant un rejet de l’intérêt des jeunes pour la télévision ont provoqué un véritable tollé. Ce rejet pourrait expliquer pourquoi les 18-35 ans (ou moins) se tournerait plutôt vers une émission qui les accepte et s’identifie à eux, au lieu de les mépriser.
L’ajout de données chiffrées aurait été effectivement bienvenue dans notre article pour illustrer le fossé générationnel dont nous parlions. Comme nous l’avons constaté, les soutiens du candidat Républicain (40,6% de 65 ans et plus) sont très peu présents sur Twitter, à l’inverse des soutiens de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon (les plus populaires chez les jeunes selon vos propos). Par nos expériences personnelles, nous avons en effet pu observer des utilisateurs très actifs sur Twitter en ce qui concerne ces deux derniers candidats mentionnés. Votre référence à John Dewey est adaptée : dans le cas que nous avons étudié, les conditions d’accès au débat sur internet ne sont pas égales. Le débat est donc faussé et ne peut pas avoir lieu; pour considérer une confrontation entre les deux publics, elle devrait se faire en conditions réelles, constituée d’un ensemble hétérogène qui aurait la volonté d’entendre l’autre sans s’enfermer dans un autre « monologue interactif. » Enfin, nous pensons qu’il serait effectivement intéressant de se penser sur d’autres séquences, mais également de prendre en considération d’autres réseaux sociaux, comme Facebook qui semblerait rassembler une audience correspondant à la représentativité que nous attendons sur un tel débat démocratique.
Léna & Jad & Marine